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La limite, la structure, ouvrir [contexte]


Jean Oury, « Atelier sur la vie quotidienne », 4 décembre 1997, journées d'études au centre culturel Romaanse Port de Leuven (Belgique), publié dans le n° 2 du journal de PI (Belgique) [Ouvrez !]

« J'avais écrit en 53 à Freinet, que je connaissais par l'intermédiaire de mon frère Fernand, qu'une classe trop traditionnelle ressemble à un quartier d'agités. Je lui disais qu'il appliquait les mêmes méthodes que pour les quartiers d'agités, c'est-à-dire de supprimer l'estrade et d'instaurer des petits groupes de responsabilisation, l'imprimerie à l'école et les conseils de classe non pas pour morceler mais pour complémentariser, bref pour créer une structure. La structure est faite pour responsabiliser des gens comme dans la classe de Freinet où les enfants faisaient l'imprimerie avec des composteurs et le rouleau d'encre. Il y a des gosses qui apprennent des lettres comme ça, aidés par les autres. À un moment donné, c'est presque une sorte de quasi-fantasme concret qu'ils sont en train de fabriquer à plusieurs. Cela établit structurellement des limites là où il n'y avait rien, en opposition avec les écoles libertaires qui ont mal fini parce qu'il n'y avait pas de structure. On voit bien que pour avoir de la liberté, il faut que ce soit structuré. Un schizophrène souffre d'une existence fermée. Notre travail est de l'ouvrir, mais ça ne s'ouvre pas comme une boite de conserve. Comment passer du fermé à l'ouvert ? En introduisant une structure. C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'exemple du schizophrène, du chat et de la poterie. Il vient là, mais pas dans un lieu fermé. Il ne vient même pas faire de la poterie, il vient voir un chat et puis tant mieux. Si on lui disait de faire de la poterie, il se fermerait à nouveau. Tandis que là c'est de l'ouvert qui tient ou ne tient pas. Mais il sait que c'est à telle heure et à tel endroit, donc c'est très structuré. C'est ça qui est travaillé d'une façon permanente et pourquoi je dis que l'ouvert c'est quand on introduit des limites. »

Jean OURY, entretien avec Nicolas Philibert
Ces mots sont extraits certainement de l’entretien entre Jean Oury et Nicolas Philibert  édité dans le DVD du film « la moindre des choses » (à vérifier)

« Quand un atelier marchait bien, je me souviens qu’avec Félix on restait sur la réserve. Parce que dès qu’il y a mise en place d’une instance, ou d’un atelier, ceux qui y sont ont tendance à se regrouper, à se coller les uns aux autres dans un système de cooptation imaginaire, clos. Et il y a création d’un territoire. C’est une tendance dite naturelle. Plus on travaille bien dans un atelier, plus ça se ferme. Ce que j’appelle “la loi” doit intervenir pour casser ces territoires, ou du moins pour les ouvrir. [...]
Donc, il y a ce tas de gens. L’institution, quand ça existe, c’est un travail, une stratégie pour éviter que le tas de gens fermente, comme un pot de confiture dont le couvercle a été mal fermé. La mise en place d’un club, c’est un opérateur pour éviter que ça fermente, sans se contenter de résoudre le problème par le cloisonnement et l’homogénéité. Or le problème est comparable quel que soit le tas de gens ; une école, une prison, une usine, un bureau. C’est pour ça que ce qu’on a appelé la psychothérapie institutionnelle — j’ai du mal à prononcer ce mot — est une instance critique de la société dans sa globalité.
Éviter la dégradation d’un tas de gens par non-vigilance, ça demande du sérieux. Le sérieux, disait Kierkegaard, ça ne peut pas se définir. Le sérieux, c’est le sérieux.[...]
Ce genre de travail est une façon de singulariser les gens qui sont là, de transformer, comme disait Gabriel Tarde, la foule en public, d’avoir affaire à l’hétérogène sans essayer de l’écraser. Ça, c’est l’exercice de la loi. Ça ne peut venir de l’établissement, qui ne peut produire que des règles. C’est un travail énorme parce que la loi, comme disait Lacan, c’est le désir.C’est ce qui structure l’ambiance, ce qui autorise une attention commune, une sympathie, une “attitude collective”. La mise en place concrète se fait par une structure de partage. “Partage est notre maître”, comme disait Pindare. Si seulement... 

Jean Ayme, « Essai sur l'histoire de la psychothérapie institutionnelle », revue Institutions, 2009, n°44, p. 111-153 (à vérifier), disponible sur le nouveau site de Michel Balat

« Mais certains considèrent que seule compte désormais la prise en charge des malades hors de l’hôpital, où ils les ont généralement laissé croupir dans une situation à peine modifiée depuis la période asilaire. Ils ont alors beau jeu de dénoncer l’hôpital comme lieu de chronicisation que précisément leur passivité a entretenu. L’hôpital devient un mauvais objet en opposition à l’extra-hospitalier, lieu paradisiaque où la schizophrénie se dissoudra par la seule vertu d’un évitement de l’hospitalisation. Si celle-ci est parfois consentie, c’est à regret, témoignage d’un échec et comme une mauvaise action. Cette naïveté “écologique”, plus ou moins teintée d’anti-psychiatrie, réalise une véritable fuite en avant dans laquelle vont s’engouffrer ceux qui étaient restés inactifs dans l’hôpital où ils se contentaient de distribuer des médicaments.
Voilà un exemple de ce que j’appelle les faux problèmes. Au lieu de s’apercevoir que le fait qu’une même équipe s’occupe des malades tout au long de leur trajectoire thérapeutique induit une nouvelle dialectique du dedans et du dehors, ils s’en tiennent à une position manichéenne, la Société devenant une bonne mère et l’hôpital un lieu maudit. Certains pensent même qu’ils peuvent se passer totalement de l’hospitalisation plein-temps (ils laissent bien entendu cette charge aux collègues du secteur voisin) rejoignant ceux qui veulent “brûler les hôpitaux psychiatriques” et préconisent le modèle italien. J’ai proposé, pour tenter de sortir de cette fausse opposition, de prendre, pour imager le secteur, le modèle topologique de la bande de Moëbius caractérisée par le fait qu’on peut passer d’une face à l’autre sans franchir de bord, mettant en évidence ce qui constitue l’essence du secteur, la continuité.
Pour en finir avec les faux problèmes, je rappellerai la prétendue opposition entre politique de secteur et psychothérapie institutionnelle, celle-ci laissant la place à la première en s’appuyant sur une approche historique simplette. Si elle a pris naissance dans l’hôpital, c’est parce qu’il n’y avait à l’époque pas d’autre lieu d’accueil de la psychose. L’hôpital doit être considéré, comme le rappelait récemment Hélène Chaigneau, comme le laboratoire où s’est élaborée cette nouvelle praxis liant le sociologique et le psychanalytique. Ceux qui ont pu, lors de leur fuite en avant vers les verts pâturages de l’extra-hospitalier, avoir l’illusion qu’il n’y aurait plus désormais de facteurs d’aliénation, ont bien dû convenir qu’un hôpital de jour ou un appartement thérapeutique n’échappait pas aux risques de chronicisation, et que dans une structure, aussi “intermédiaire” soit-elle, on ne pouvait méconnaître sans risque l’élément axial de toute visée thérapeutique pour l’individu comme pour le groupe, le conflit.»

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