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Introduction : Bataille et le monde, par Jean Piel
Sur le net : Hommage à Jean
Piel, par Antoine Compagnon
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Piel
Jean Piel introduit l’œuvre
de Bataille sous le signe de la contradiction, prenant parfois
l’aspect
d’une « négation acharnée » alors
que celui-ci ne cessa de « dire oui au monde »,
et classe les deux textes au sein de cette œuvre en
tant qu’« essai de représentation
du monde ».
La réflexion qui supporte La
notion de dépense et La
part maudite,
remonte certainement à la fin des années 20,
période où grâce à Alfred Métraux,
Bataille prendra connaissance de la théorie du
potlach exposée par Marcel
Mauss dans son Essai
sur le don comme
forme archaïque de l’échange. Il
fréquente des groupes et des hommes animés
d’une curiosité pour les questions d’ordre
politique ou économique. Notamment entre 1933 et 1935,
autour de la revue Critique sociale,
et lors de la création de la revue Critique qu’il
fonde en 1946.
Sur
Alfred Métraux
Téléchargez l'Essai
sur le don
Téléchargez d'autres œuvres de Mauss
Un article de la revue L'Homme
Le
Potlach de Marcel Mauss à Georges Bataille, par Samuel Bloc
Sur la revue Critique sociale
Sur
le Cercle communiste démocratique
Sur la revue Critique
La revue Critique chez Minuit
Production, acquisition,
dépense
Dans La notion de dépense,
Bataille affirme le « caractère secondaire
de la production et de l’acquisition par rapport à la
dépense ».
Jean Piel commente : « … l’idée
d’un “monde paisible et conforme à ses
comptes”, qui serait commandé par la nécessité primordiale
d’acquérir, de produire et de conserver, n’est
qu’une “illusion commode”, alors que le
monde où nous vivons est voué à la perte
et que la survie même des sociétés n’est
possible qu’au prix de dépenses improductives
considérables et croissantes. »
Cet angle de vue éclairerait, selon Bataille, « un
grand nombre de phénomènes sociaux, politiques, économiques,
esthétiques : le luxe, les jeux, les spectacles,
les cultes, l’activité sexuelle détournée
de la finalité génitale, les arts, la poésie
au sens étroit du terme » (Jean Piel).
« La vie humaine, distincte de l’existence
juridique et telle qu’elle a lieu en fait sur un globe
isolé dans l’espace céleste du jour à la
nuit, d’une contrée à l’autre,
la vie humaine ne
peut en aucun cas être limitée aux
systèmes fermés qui
lui sont assignés
dans des conceptions raisonnables. L’immense travail
d’abandon, d’écoulement et d’orage
qui la constitue, pourrait être exprimé en disant
qu’elle ne commence qu’avec le déficit de
ces systèmes : du moins ce qu’elle admet
d’ordre et de réserve n’a-t-il de sens
qu’à partir du moment où les forces ordonnées
et réservées se libèrent et se perdent
pour des fins qui ne peuvent être assujetties à rien
dont il soit possible de rendre des comptes.
C’est
seulement pour une telle insubordination, même misérable,
que l’espèce humaine cesse d’être
isolée dans la splendeur sans condition des choses
matérielles » (La notion de dépense,
p.43)
Sous le coup de l’« illumination » maussienne,
Bataille, se représentera « le monde comme
animé d’une ébullition ».
Cela va donner la grande hypothèse de La
part maudite : Il
y a toujours excès, parce que le rayonnement
solaire, qui est à la source de toute croissance,
est donné sans
contrepartie : “Le soleil donne sans jamais recevoir” ;
alors il y a nécessairement accumulation d’une énergie
qui ne peut qu’être gaspillée dans l’exubérance
et l’ébullition ». (Jean Piel).
La vie se heurte sans cesse à des limites. Bonds en
avant répétés de la croissance ouvrant
de nouveaux espaces. Apparition de nouvelles limites. Il
y a forcément perte.
Par la technique, l’homme multiplie les possibilités
de croissance mais il dispose aussi d’une « facilité infinie
de consommation en pure perte » : à l’image
du rythme ordinaire de l’usage de l’énergie
dans le monde, dans le double mouvement d’ « austérité » et
de « prodigalité ». C’est
cette « consommation en pure perte » que
Bataille nomme « consumation » qui
lui permet d’être en accord avec le monde. Le
destin de l’univers est « un accomplissement
inutile et infini », celui de
l’homme est
un sommet par la dilapidation.
Les positions de Bataille se présentent comme un renversement
complet de la pensée économique commune. Certes,
il partage le pessimisme de ses contemporains. « Mais
là où il innove, là où il propose
un véritable “changement copernicien” des
conceptions économiques de base, c’est quand
il aperçoit la différence
fondamentale entre l’économie d’un système
séparé — où règne
un sentiment de rareté, de nécessité,
où se posent des problèmes de profit, et où la
croissance peut toujours sembler possible et désirable — et
celle d’une économie
qui est celle de la masse vivante dans son ensemble — où l’énergie
est toujours en excès et qui doit sans relâche
détruire un surcroît » (Jean
Piel)
Au sein d’une économie
générale,
c’est l’usage fait
des excédents qui
va déterminer des changements
de structure. Bataille
ira voir chez différents types de sociétés
ce qu’il en est : dans les « sociétés
de consumation », comme les Aztèques, dans
les sociétés d’entreprise militaire (comme
l’Islam) industrielle (la société moderne
depuis la Réforme) ou religieuse (le Tibet).
« Mais c’est aussi du choix que feront les
hommes d’aujourd’hui du mode de dépenser
l’inéluctable excédent que dépend
leur avenir. Vont-ils continuer à “subir” ce
qu’ils pourraient “opérer”, c’est-à-dire à laisser
le surplus provoquer des explosions de plus en plus catastrophiques
au lieu de le “consumer” volontairement, de le
détruire consciemment par des voies qu’ils puissent
choisir et “agréer” ? » (Jean
Piel)
L’analyse de la cinquième partie de La
part maudite consacrée au système soviétique
et au plan Marshall, conduit Jean Piel à comparer
la différence de ton qui sépare La
notion de dépense et La
part maudite (d’un écrit
très virulent à des jugements plus sereins).
La suite que comptait donner Bataille à La
part maudite,
en vue d’apporter de nouveaux développements
aux thèses exprimées, et ainsi de relativiser
certaines influences historiques, n’a pas vu le jour.
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