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Pouvoir [contexte]
Umberto Galimberti, Les Raisons du corps, Grasset-Mollat, 1998.
Chapitre 2, Phénoménologie du corps : l’ingénuité,
p. 81-82.
« L’intellect ne peut juger les choses du monde, les thématiser, les objectiver, que parce que ces choses sont déjà là exposées à un corps qui les voit, les sent, les touche et parce qu’elles sont déjà solidaires avec lui dans l’unité naturelle et pré-logique qui constitue le fond de toute construction logique. Le monde en effet est “déjà-là” offert à notre corps avant tout jugement et toute réflexion, de même que notre corps est déjà exposé au monde dans ce contact naïf que constitue la réflexion première et originaire.
Réfléchir ce n’est pas entrer en soi pour découvrir l’ “intériorité de l’âme”, cette subjectivité invulnérable qui, au-delà de l’espace et du temps, garantit la première équivalence de l’identité avec soi-même. Ré-fléchir c’est accueillir dans son propre regard ces impressions fugaces, ces perceptions furtives à travers lesquelles le monde s’offre à moi et je m’offre au monde au moment où je les lui restitue, sans jamais les confondre avec mes rêveries, avec l’ordre de mon imaginaire où, au contraire,je ne restitue pas ce que je soustrais. Ré-fléchir, donc, ce n’est pas construire le monde mais lui restituer son offrande, ce n’est pas même un acte délibéré mais le fond sans lequel je ne pourrais rien délibérer. Quels que soient les efforts que je fasse, lorsque je “réfléchis sur moi” je ne découvre jamais mon “intériorité” mais mon exposition originaire au
monde.
Dans cette ouverture du corps, dans cette co-exposition originaire est contenue la signification primitive du monde, son jaillissement immotivé auquel, après le premier contact naïf, le premier étonnement, le corps tente de donner un sens. Un sens non pas logique mais corporel, un sens qui n’est pas un “savoir (kennen), mais un pouvoir (können)”. (H. Liepmann),
une capacité de se mesurer aux choses pour en éprouver la résistance ou la passivité. »
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