AU COMMENCEMENT ÉTAIT L'IMAGE : SÉANCE 5

observer, deviner, pratiquer

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DE LA FEUILLE À L'ÉCRAN (1)

Travail de parole

Notes prises après les 40’ de projection (Étude 1, extrait) par Isabelle Laboulbène des Cinémas indépendants parisiens, présente lors de l'atelier.

Annick (A), Elève (E), Jean-Charles (JC)

A : j’ai rien de précis, c’est plutôt que j’attends vos réactions…
E: on va lire nos feuilles ?
A : non
E : moi je veux la lire
E : moi aussi
E : moi j’ai écrit des mots
A : est-ce que vous vous attendiez à ça ?
E : pas exactement
E : moi je me disais des choses et quand on voit en plus grand, on voit bien ce que c’est, on se dit on s’est trompé sur ce qu’on a vu
A : c’est pas grave, ce qui est important c’est ce qui est là
E : quand tout était blanc, je pensais qu’il fallait juste écouter
E : moi je m’attendais à plus de mouvement. Quand on a trouvé un poste de vue, on y reste un moment
A : vous n’y êtes pas habitués ?
E : nous on regarde un peu vite et on regarde autre chose
A : quand tu regardes dans la vie, comme ça, tu es libre de ton mouvement alors que là je t’oblige …
E : je peux pas décider, pas tourner la tête
? : ce que disait Solal, c’est par rapport à d’autres images ?
E : le décor restait exactement le même
A : mais toi aussi tu parles de ton regard, comme Elie
Tout le cinéma est comme ça
E : y’a des projections où ça fait exactement comme dans la vraie vie
E : moi je m’attendais à des images où tous les personnages parlent
E : on a quand même entendu pas mal de discussions
E : elles étaient pas toutes en français
E : je croyais que quand un personnage parlait, t’allais le filmer lui ou filmer ce qu’il regardait
E : normalement, lorsqu’on est devant un poste, on voit pas toujours la même chose
E : bleu, puis on s’éloigne, quelque chose de rond comme un hublot, puis on avance et on voit un truc rouge, c’est plus la même chose
JC: on l’abandonne ?
E : oui
A : j’ai remarqué, mais ça dépend peut-être des places, ce que j’ai filmé c’était tout blanc et je voyais les trous de la toile, le pli de l’écran
E : au début, quand je voyais rien sur l’écran, je croyais qu’il y avait un problème, et quand c’est resté 10’ je me suis rendu compte que c’était fait exprès
A : mais quand tu dis qu’il n’y a rien ?
E : c’est vide mais pas invisible
A : on peut pas dire qu’il y avait rien, y’avait quand même le blanc
E : Solal peut avoir raison quand il dit qu’il y avait rien mais pas par rapport à la projection que vous nous avez montrée ; par exemple, entre vous et l’armoire il n’y a rien
E : y’a un intervalle
A : y’a l’espace
E : l’espace n’est pas un objet
A : c’est pas solide, y’a de l’air, du gaz
E : c’est pas liquide non plus
E : mais quand on dit je vois rien, ça se peut pas, parce que quand on a les yeux bandés on voit quand même quelque chose
E : je vois rien, ça veut rien dire
E : on ne peut pas toucher ce que le projecteur projette
A : qu’as-tu en tête pour dire ça ?
E : par exemple je vois ça mais je ne peux pas attraper
E : c’est à propos de ce qu’a dit Marion, par rapport au bandeau, quand il fait noir on voit du noir, quand il y a de la lumière on voit un peu rouge
E : comme dans le ventre de sa mère, on voit un peu de lumière
E : là, on essayait d’imaginer à quelles places étaient les choses et on essayait d’interprêter, c’est ce que moi j’ai voulu faire
A : en quelque sorte, chacun a interprêté ce qu’on voyait, ce que j’ai devant les yeux qu’est-ce que j’en fais ?, c’est ce qu’on voit et ce qu’on entend …
E : Maria, elle dit qu’on voit rien quand on ferme les yeux, mais moi je vois un peu des images
A : oui mais ça, je veux pas qu’on reste trop longtemps là-dessus …
Mais c’est une façon de parler, c’est pas bien précis mais y’a du visible toujours
E : quand les yeux sont fermés, on peut pas voir
A : c’est une façon de parler, on voit pas le monde mais notre oeil est toujours en fonction
E : je suis pas d’accord avec toi, parce que quand on ferme les yeux, notre oeil se retourne
E : et puis aussi, si on résume ce qu’on a dit, un aveugle il voit des choses, il voit ce qu’il voit
E : pas d’accord avec Solal, il dit qu’on doit interprêter l’image, mais on doit pas reproduire, représenter la chose qui est sur l’écran
A : non, mais on se demande quand même qu’est-ce qu’on voit ?
ah oui, sur le dessin, là c’est autre chose, on pouvait faire ce qu’on voulait
E : quand on voit une feuille blanche, on dit y’a rien de dessiné mais on voit quand même quelque chose
A : oui, c’est pour cela que le fond, le support, qu’on a travaillé, c’est important
E : à un moment, y’a Augustin qui a dit que quand on ferme les yeux on a l’impression d’être dans le ventre de sa mère, mais comment y pourrait savoir
E : je sais pas, le soir j’ai quand même eu l’impression qu’il y avait une lumière un peu beige, alors que la lumière on l’éteint
E : sur l’image, même si on voit rien…, on va dire que Lisa elle me gêne, on peut pas voir à travers Lisa…
--- récréation---
A : si certains veulent lire ce qu’ils ont fait
E : mais c’est pas vraiment des phrases qui se suivent : «… comme des pas sur le carrelage...des éternuements de personnes... et encore une fois les cloches… un mélange de bruit et d’eau… comme une ombre bleue sur le bord de l’écran… sur l’image on voit un cercle… .il y a des fissures sur le mur… on entend comme des chaises que l’on poserait par terre… on entend comme une moto qui démarre… elle est partie et maintenant elle revient...
E : le resto, il est pas trop japonais !
A : elle est libre!
E : oui, mais il y a les voix et ce que les personnes disent…
JC : on peut avoir envie de dire japonais quand c’est tellement loin de nous
A : qu’est-ce qui t’a fait penser à japonais ?
E : en fait resto car il y a des plats et japonais à cause des dessins sur les murs
E : pour moi, italien, car j’ai entendu de vagues « grazie… »
E : au début, j’avais cru que c’était un resto marocain à cause des murs jaunes, un peu clairs et après je me suis dit italien
E : moi je pensais juste que c’était une cuisine
E : moi une salle à manger
E : oui parce qu’on voit pas souvent des téléphones sur les comptoirs
E : tu sais, pour commander des pizzas dans les resto italiens !
E : «…une lueur bleue a traversé à plusieurs reprises l ‘écran…» «il y a une bouche d’égout….» «il y a un carré rouge qui se déplace sur un fond noir…» «je pense que le carré rouge est une entrée qui aboutit je ne sais où…» «nous changeons encore de décor…» …
A : à votre avis, est-ce qu’il y aurait des points communs entre toutes les images ?
E : y’a tout le temps des personnes qui parlent
E : non quand il y a le ciel bleu, il y a du bruit mais personne ne parle
E : entre chaque image et chaque lieu, y’a toujours une coupure et on est surpris
E : au départ on pense quelque chose et comme l’image s’agrandit, à peu près dans toutes les images, y’a un rond et on voit ce qu’il y avait autour ; comme tu filmes de plus loin, on voit ce qu’il y a autour
A : comme une tromperie mais pas au mauvais sens du terme ?
E : toutes les scènes se passent dans une salle
E : quand il y a l’orage, on voyait de la lumière et des images c’est tout
E : les nuages sont dans le ciel
E : ça peut être par une fenêtre
E : mais ça bougeait
E : on pouvait imaginer que ça peut être par une fenêtre mais on ne la voit pas
E : le point commun c’est qu’on voit toujours quelque chose et qu’on entend toujours quelque chose
A : c’est vrai, on était bien dans ce qu’on a cherché à travailler, cad le visible
E : mais il y a une porte ouverte, on est à l’intérieur …
A : je ne vous demande pas d’imaginer, mais ce qu’on voit …
E : peu de mouvement
A : dans quel sens ?
E : dans le sens de la caméra, on a trouvé une place et on y reste
Dans le sens de l’image
Les images ne se suivent jamais
E : ça peut être une grande promenade et toutes les heures on change de site et ça sera différent
A : est-ce que ça, vous l’avez accepté ?
E : c’était difficile pour écrire
A : mais pour regarder, est-ce que c’était difficile ?
E : j’aurais préféré qu’elles se suivent mais on a fait avec
E : ça aurait été plus facile pour écrire
A : oui, mais je les ai pas faites pour que les gens écrivent mais pour que les gens les voient
E : là vous répondez à la question de Jean-Charles, cad que vous les avez pas fait pour l’exercice
A : on est un petit peu moins habitué à voir des choses comme ça, mais lorsqu’on voit ça, est-ce qu’on peut trouver du plaisir quand même ?
Quand le bleu arrive dans l’image, j’en ai vu certains sourire, d’autres se retourner vers moi... sourire, c’est quand même une forme de plaisir. Qu’est-ce que vous pensez de mon interprétation ?
E : oui mais aussi, quand ça dure 10’, quand ça change, je vois que certains ça les saoulait
A : où est-ce que vous pouviez continuer à trouver un intérêt ?
E : dans le son
E : dans le mystère de ce que ça cachait
E : ben ouais, mais y’a pas de réponse
A : y’a eu quasiment 40’ de projection, c’est quand même beaucoup
E : oui mais c’était pas la même chose, 40’ sur la même image, j’aurais craqué!
E : parce que en fait quand on est fixé sur quelque chose, on voit pas le temps passer
E : sur certaines images, ça changeait juste au moment où j’allais poser mon stylo
E : il n’y a pas eu de bruit parce que déjà on devait écouter pour essayer de penser
A : souvent on dit qu’on a besoin de calme pour réflechir
E : c’est un travail qu’il faut aimer
E : un travail difficile, l’interprétation exacte, trop difficile pour tous les élèves
A : si on devait donner un nom au travail d’aujourd’hui ?
E : un travail visuel et perceptible
E : un travail sonore et visuel
E : un travail d’interprétation
E : de pensée
E : de réflexion
A : ça veut dire, qu’au niveau des images, on peut faire un travail de ...( ?)
Est-ce qu’il peut y avoir du plaisir ?
E : c’est le mélange des deux, s’il y avait que du visuel, ennuyé! que du sonore, ennuyé!
E : c’est comme si on rêvait tranquillement, et de mettre ce qu’on a pu rêver
A : entre voir, écouter, réflechir, c’est une attitude nouvelle pour vous ?
E : on l’a déjà fait
A : un exemple ? d’une façon générale et pas seulement en classe
E : les diapositives
A : mais au niveau des images en mouvement, et en dehors de l’école
E : quand on va au cinéma à l’Escurial
E : moi c’est un peu la même idée qu’Augustin mais avec la télé
JC : un exemple, la classe nature : nous en mouvement, sentier étroit, paysage et sons, marcher en silence. Quand Annick a posé la question, moi ça m’a ramené à cette image là
E : sur les documentaires, on change complètement ...( ?)
A : si je comprends bien ce que tu dis, dans le documentaire on est plus libre, on peut mettre des choses qui ne…( ?)

(…)

 

Ouvrir le cinéma

   
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