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mais c'est un livre que je voulais faire

15 avril 2013

note 00

17 avril 2013

note 01: le titre

Quand la pensée est encore confuse, quand notre discours intérieur, est encore fait de formes plus ou moins informes (images, couleurs, mots, sons), ce qui veut dire finalement des formes en formation — dans le temps de leur formation, poser (fixer) un titre sur la page blanche est bien utile.

Souvent, j'utilise une métaphore : poser le titre pour ensuite pouvoir le déplier.

Déplier : on peut l'entendre de plusieurs manières :

  • Comme si quelque chose était caché, mais déjà là.
  • à la façon, par exemple, d'une toile de Hantaï, qui, au moment où elle est dépliée fait apparaître une forme qui n'était pas là auparavant, qui n'advient, qui n'arrive à l'existence qu'à l'instant du dépliement. Parler d'intérieur/d'extérieur, de dehors/dedans, de caché/découvert n'a plus grand sens. Une logique trop dualiste. Ce qui compte c'est de prendre en compte un certain aspect du temps : quand les formes se forment. C'est plutôt ce sens-là que je retiens.

Le titre aussi, je peux le poser comme une hypothèse. Je ne sais pas encore la ou les significations que je vais lui donner mais il fait sens pour moi, à l'instant où je le pense. Il n'y a rien de caché. Comme point de départ, je sais que j'ai fait une association avec la toute première phrase du film de Godard : «… Mais c'est un récit que je voulais faire…». Je ne devrais pas dire phrase mais plutôt voix off, car c'est la voix de Delon prononçant cette phrase que j'ai entendue au moment de ces pensées confuses dont il était question plus haut.

Ce qui m'attend à présent, c'est de poursuivre une certaine manière de penser, de jouer avec toutes les associations qui vont survenir pour organiser, structurer un certain discours, élaborer ce que peut signifier le titre que je me suis posée : Mais c'est un livre que je voulais faire

Entre une forme en formation et poser une hypothèse, je change de registre.

Il va falloir préciser tout en avançant…

2 mai 2013

note 02: base, fondement, origine

Mais c'est un livre que je voulais faire

Cette petite phrase que j'ai posée devant moi, et celle de Nouvelle Vague, certainement toujours active dans ce nouvel énoncé, de quelle(s) notion(s) peuvent-elles relever ?

Jacques Schotte, Questions approfondies de psychologie clinique: La nosographie psychiatrique comme patho-analyse de notre condition. Chapitre IV, Nosographie psychiatrique et mouvement de l'existence, de leur bases “contactuelles” à leurs origines “personnelles” (cours 1977-1978).

La base, par le biais du grec «basis», a un rapport immédiat à la marche. C'est aussi ce sur quoi on marche.

Un fondement, quand à lui, est autre chose qu'une base. Si on l'entend au sens de l'acte de se fonder, on peut dire qu'il est le propre de l'homme qui jette. Car celui-ci s'arc-boute plutôt que de reposer sur le sol. Il tente de se fonder comme le centre à partir duquel un objet est jeté en face de lui. De même, le fondement d'un bâtiment se creuse dans le sol et constitue la condition même pour qu'il puisse s'élever à partir et bien au-delà de la base.

La cathédrale, par exemple, s'enlève sur un fondement complexe qui la distingue dans sa façon d'apparaître du temple grec. Car ce dernier, qui n'implique ni fondement ni donc négation de ce sur quoi il s'enlèverait, s'élève en quelque sorte sur sa base. En outre, il est situé dans le paysage et le fait vivre à travers lui. Il entretient un rapport de co-vivance ou, comme disait Claudel, de co-naissance avec la nature dans et avec laquelle il se situe. La cathédrale, tout au contraire, ne s'inscrit pas dans l'espace du paysage mais dans un espace orienté, qui est un espace mental, puisque son chœur, quel que soit le site, est toujours orienté dans la direction de la Terre Sainte.

L'origine, enfin, vise quelque chose d'encore plus mystérieux et de plus caché dans ses composantes. En effet, si le fondement est caché, ses effets sont en permanence visibles. Pour qu'un édifice puisse s'élever, il doit nécessairement s'enfoncer dans le sol, comme les racines de l'arbre. Mais quelle est l'origine d'un temple ou d'une cathédrale? Quelle est-elle, sinon leur création même, qui ne s'atteste d'ailleurs que dans la production. L'image de la source, évoquée par Goethe, est à cet égard éclairante: il n'y a de source qu'aussi longtemps qu'elle coule. Remarquons d'ailleurs qu'origine, dans les langues germaniques, renferme la métaphore du saut: «Ursprung», en allemand, c'est-à-dire le saut primitif ou primordial. L'origine a donc affaire avec le saut. Elle est à proprement parler indatable dans la mesure où elle est ce qui doit se continuer tout le temps. […]

De l'une aux autres de ces notions, on s'élève en quelque sorte en creusant par-dessous. Ainsi le fondement apparaît plus tardivement que la base, mais lorsqu'il apparaît, il se pose comme fondement de la base. De même, l'origine créatrice de tout ce qui se manifeste à travers la base et le fondement ne se pose comme problème qu'au-delà. Mais au moment où il se thématise, ce problème se donne comme originaire même par rapport aux deux autres. Pour concrétiser ces notions qui peuvent sembler bien abstraites, faisons référence au mouvement même de l'existence…Pour lire la suite (p. 125-127)

(Ce cours est donc disponible intégralement sur le site du Centre d'études patho-analytiques. Il a été également édité par la revue Institutions (erreurs de transcription: en cas de doute, toujours vérifier dans le pdf du Centre ).

21 novembre 2014

note 03: déblocage

Hier soir. Petite discussion entre amis. Mais pourquoi donc refuser une « version numérique » du livre ? Pourquoi cette radicalité ? Pourquoi cet interdit ? Ça me trouble. Et le lendemain matin vient la libération (un début, disons).

Ma pratique de la lecture du tapuscrit sur écran. Avant la publication.

I
Dans la lecture d'un texte sur écran on ne peut s'empêcher de faire usage de la fonction Recherche proposée par l'ordinateur. Si simple, si utile d'aller chercher un nom d'auteur, un titre de film ou de revue. On va chercher de l'info — pas de mal à ça. Mais pour la chercher il faut déjà la connaître. Sauf que dans le projet du livre il y a la démarche (démarche éthique ?) toute rossellinnienne de mettre tout le monde à égalité, connu ou inconnu : ce qui importe, c'est la rencontre dans ma lecture des revues avec des propos qui me remuent. Quel qu'en soit l'énonciateur. La maquette a tenu compte de cette position.
Je me souviens de la remarque du premier directeur de collection à qui j'avais proposé le livre : « Mais qui se souvient de Yves Yersin ? ». Au hasard de son feuilletage il était tombé sur un fragment d'entretien avec ce cinéaste suisse. Message reçu cinq sur cinq : pour mon interlocuteur la matière du livre était à trouver dans le top 50 des cinéastes de l'histoire du cinéma. Fétichisme. Cinéphilie oblige. Ce n'était pas très bien parti… Rebelote avec un second contact et là on se déplaçait de la cinéphilie vers la question du savoir, en général : « Tout ça, je connais déjà. Revenez me voir quand il y aura des choses que je ne connais pas. » (pas dit comme ça, mais c'est ce que cela voulait dire). Cette fois-ci, c'était (presque) un peu plus grave : on touchait le fantasme du Tout savoir. de ce côté-là aussi, c'était mal parti. Je savais déjà (sans l'avoir formulé explicitement) que mon projet ne relevait pas d'un tout ou d'une Totalité (à préciser). Il y aurait, au finish, d'autres enjeux, même si je ne savais pas (encore) lesquels.
Qu'en serait-il du rapport à la lecture sur des écrans de différentes tailles (smartphone, tablette, ordinateur couplé avec petit ou grand écran) ?
C'est là qu'il est bon de se souvenir que l'unité de la maquette de Passage… n'est pas, ainsi qu'il est d'usage pour un livre de textes, la page mais la double-page (comme un livre d'images, donc). Le ruban commence sur une page paire et non sur une page impaire. Pour l'instant je n'ai reçu aucune remarque sur cette transgression. Ce serait bien de relire la correspondance avec le graphiste.
Le blanc entre les fragments a été travaillé de manière à assurer l'autonomie (donc rupture, discontinuité) dudit fragment — sans rupture de continuité à l'intérieur du ruban. Paradoxe. Rappelons que le livre est composé d'un seul corps. Pas de chapitres, pas de pages blanches pour isoler des parties. Quid de ce ruban avec une lecture-écran ?
Il faudra certainement un jour inventer une version numérique du projet autre que le livre, mais cela ne peut être une simple copie de cet ensemble de signes qu'est Passage du cinéma, 4992.

II
Etant donné l'usage du fragment (avec les renvois fléchés au bas de nombre d'entre eux), on pense immédiatement à la pratique de l'hyperlien. Arrive très vite le principe de base de données. Mais quelle pertinence accorder à une base de données qui ne serait pas actualisée en permanence ? Qui, dès le départ, renoncerait au Tout ?
Mettre en avant l'usage de l'hyperlien cela favorise, à coup sûr, l'aspect « informationnel » du contenu. Ce serait alors comme si pour un film ou un roman on ne s'intéresserait qu'à l'histoire ou au scénario (on peut le faire, et ça se fait), sans prendre en considération le style, les modalités du récit, du montage (le choix des phrases ou des plans, l'ordre, le cut in ou out).
Ce que j'ai (naïvement) découvert en cours de route, c'est l'importance de la forme dans l'élaboration du sens — et pas seulement de la signification. Mon rôle (dans mes fonctions d'auteur-monteur-plasticien et d'éditeur) est d'empêcher que cette part du travail pas encore mise en évidence ne soit écrasée par la force massive du pouvoir de l'informationnel et de l'historique du projet. Que l'immense cadeau de Godard ne devienne un cadeau empoisonné si je cédais à la seule satisfaction narcissique et si je ne voyais pas aussi dans son geste généreux une invitation à ne pas en rester là.
Ce serait bien d'arriver à trouver un jour la bonne forme pour une version numérique qui soit dans un rapport analogue à celui qui met en relation la version livre avec les Versions Totem, Chiffrée, Filmée. VERSION. PASSAGE. TRANSFERT. TRADUCTION. INTERPRÉTATION.
Paradoxalement, une Version étrangère pourrait émerger du fait de l'impossibilité d'une traduction classique mot à mot du ruban. Passage du cinéma, 4992 considéré comme une « Gestaltung », une forme en formation, dynamique, exigerait une traduction « poétique ». Trop long, trop cher. Des formes mineures sont peut-être à inventer.
Ce serait peut-être bien d'aller relire Passage des possibilités. Une autre fois…
(Modifié le 24/11/1014). Une des modifications est de taille !
VERSION. TRADUCTION. TRANSFERT. PASSAGE. TRANSVERSALITÉ
devient
VERSION. PASSAGE. TRANSFERT. TRADUCTION. INTERPRÉTATION.
L'ordre a donc changé et « Interprétation » occupe la place où se trouvait précédemment « Transversalité » (qui a disparu). La modification a également été répercutée dans la page des « Autres versions ». Une structure où l'on peut changer de place ! (à suivre)

11 février 2015

note 04: montage, matière, modelage

En décembre dernier le livre a fait l'objet de deux nouvelles critiques. L'une par  Vincent Amiel (Positif) qui insiste sur la notion de montage — «  la grande idée du livre  » — d'où il résulterait «  un passionnant parcours  » de lecture. L'autre, par  Jonathan Rosenbaum, critique américain bien connu des cinéphiles de l'Hexagone, qui replace le livre dans ce qui est désigné comme un «  interactive, multimedia art project  » dont  Passage  serait le «  centerpiece  » — où j'inviterais, selon Rosenbaum, les lecteurs [à] «  to make their own montages and do their own editing  ».
D'emblée leur lecture m'a donné l'impression de toucher du doigt, deux traditions, deux logiques pour organiser son propre discours, deux styles d'écriture pour arriver éventuellement à des interprétations et/ou à des jugements. L'une, à laquelle je suis plus habituée, qui adopterait un enchaînement causal des idées. L'autre, où l'on ne chercherait pas à expliquer ni à aboutir ou démontrer immédiatement tel ou tel jugement mais où les mots serviraient à construire comme une nouvelle matière laissant apparemment pour plus tard (au lecteur, notamment) l'interprétation et le jugement.
Ma «  boîte à outils  » est bien pauvre pour y voir clair. Mais je sens bien que dans le mode de Rosenbaum se dessine une façon «  pragmatique  » de construire son discours, de raisonner. Démêler les fils de ma pensée, cela risque d'être long car je ne sais pas trop de quels outils (notion, concept) faire usage. Je vais donc y aller à tâtons. Sans chercher à «  viser juste  » du premier coup.

I
Déjà, pour les francophones piètres anglophones comme moi, la distinction entre «  montage  » et «  editing  » peut devenir un casse-tête chinois (tout comme différencier «  to make  » et «  to do  » !), mais dans sa proposition d'articuler le livre au sein d'un projet multimedia interactif il me semble que Rosenbaum nous incite davantage à envisager le montage selon un agencement disons, spatial, en plan, en carte, en surface, plutôt qu'en une articulation temporelle, linéaire (à l'image, celui-ci, du «  passionnant parcours  » d'Amiel).
L'image du  corps  du livre comme  ruban  continu/discontinu (cf. mode d'emploi) relèverait aussi de cet aspect temporel du montage, tout comme la prise de position de  Godard  («  Le seul film à raconter l'histoire du cinéma  »). Que des lectures transversales soient possibles ne nous fait (ne nous ferait) pas forcément quitter le temporel-linéaire, tout comme d'ailleurs l'anachronisme  du montage. J'en viens à penser que réclamer, appeler, attendre une version «  numérique  » du livre, c'est-à-dire un e-book (copie conforme du contenu adaptée à la lecture sur écran) relèverait du temporel (façonchronos), poursuivant ainsi la marche sur le chemin déjà tracé de l'histoire des supports de l'écriture (à la suite, en continuation, de l'ère du livre et de l'imprimerie).
Ici, il me faudrait revoir la question du terme même de mimesis et, surtout, de ses  traductions. Lorsqu'on s'interroge sur le copier-coller, sur la copie, sur la reproduction, on resterait, il me semble sur ce registre du  chronos. Et s'il demeure le seul registre pris en considération, qu'est-ce qui arrive  ? On cours le risque, entre autre, de se focaliser sur les procédés d'accumulation (pur quantitatif), de maîtrise, de toute puissance  : tout contrôler, ne rien perdre, ne rien oublier. Le Big Data  devenu fantasme. Sous l'empire, l'emprise du classement par répertoire, de la structure figée en une accumulation de  cotes bibliographiques  pour y retrouver par un clic l'information recherchée. On a alors tendance à ne tenir compte que du contenu de cette information, de sa signification, indépendamment de son  contexte, de la  situation, dont le lecteur est partie prenante. Les bibliothèques, les répertoires, les  Big Data  sont bien sûr indispensables. Mais, mais… s'ils deviennent un modèle pour tout  ?
Corollaire de cette inclination à accumuler, répertorier, contrôler, le tout couronné par une obsession de la perte (le sens de la mémoire perverti), s'invite, sans crier gare, la prégnance de la propriété, de l'appropriation, version  économique  du narcissisme (Freud). Personne n'y échappe.
Et voici que surviennent alors des questions telles que l'originalité de l'œuvre, le plagiat, le droit d'auteur. Une école d'art de Stuttgart, Akademie Schloss Solitude — qui vient d'ailleurs de commander pour sa bibliothèque un exemplaire du livre — organise prochainement une journée d'études  sur ce thème.
Immense montage de fragments méticuleusement référencés de coupures  de presse, elles-mêmes  citations  de paroles recueillies et transcrites, Passage du cinéma,4992 questionne à sa manière une problématique très actuelle, donc.

II
Quand il se pose la question :  Qu'est-ce que c'est ? Rosenbaum ne cherche pas à trouver le bon classement pour définir le livre (Amiel, lui, en passe par la négation : « Ce n'est pas un livre comme les autres. Il se présente comme un dictionnaire ou une encyclopédie… »). Rosenbaum part de ce qu'il a concrètement sous les yeux : que contient le livre ? Et d'énumérer : page de titre, remerciements, dédicace, introduction, etc… Il finira par s'essayer (« Let me attempt ») à ce qu'il nomme un  mini- montage  selon le « paraphrasing » et le « cataloguing » à partir des fragments composants deux entrées choisies au sein des 548 :  citation et  influence  — et repérant au passage un oubli de date dans la référence d'un des fragments !
Il rend compte d'un montage en produisant un nouveau montage. Il passe par le  faire, le « to make ». Il met la main à la pâte, il modèle, il façonne (fictionne ?) selon sa propre lecture, singulière, tout comme chacun des lecteurs invités face au livre [à] « to make their own montages and do their own editing ».
Au fond, Rosenbaum, met en avant, fonde le discours qui structure sa critique sur la  fonction créatrice  de la lecture (inséparable de celui qui lit) ignorant un schéma linéaire de type : 1-réception; 2-production de sens.
Avec cette manière (cette logique) d'aborder les choses, sous le signe de la part créatrice de chacun des  praticiens  du livre (la monteuse-scribe-plasticienne, le lecteur, le critique) que deviennent les remarques sur la copie, la reproduction, le copier-coller, l'originalité de l'œuvre, le plagiat, le droit d'auteur, etc. ?

23 mars 2015

note 05:la suite…

… à venir… en phase de  musement

/fragmenter/citer/monter/ [partager]

/disposer/agencer/construire/ [vers une logique « poétique », une logique du « vague »]