LE COIN D'ANNICK BOULEAU : FILMOGRAPHIE

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L'instant fatal

Vidéo-paluche, n & bl., 35', 1985.
Conception, réalisation, montage : Annick Bouleau
Production : Ansedonia, avec la participation du Ministère de la culture, de l'INA, du CNRS et de AATON.


Pour faire un lien vers ce film :
http://ouvrirlecinema.org/pages/mon-coin/ab/filmo/if.html



Clic sur l'image pour accéder au film.

Ce film a été diffusé en DVD avec le n°1 de la revue Dérives

L'instant fatal
compose un dyptique avec Entre les deux, mon corps balance, pour lequel j'avais obtenu de mon employeur, le CNRS, une mission "longue durée sans frais”. Le projet de recherche déposé n'avait pas été retenu.

À lire, ici, des extraits des différents dossiers déposés au CNRS ou au Ministère de la culture.
[Projet romain] [Premiers regards] [Projet de recherche]
[Cronaca][Photos]


(Description)
“Tourné” à Rome au printemps 1985, avec la Paluche Aäton, L'Instant fatal est composé d'une série de huit visages en gros plans, de durées variées, filmés dans la rue ou dans des lieux publics. La ville est hors-champ, mais le son, exaspéré, la rend omniprésente.
L'instant fatal joue sur une sorte de contrat un peu fou entre celle qui filme et ceux qui sont filmés à qui il n'a été demandé que de donner un peu de leur temps d'existence dans la limite d'une cassette vidéo U-Matic (20 minutes).
Il sera financé par le ministère de la Culture comme “aide à l'écriture” pour la préparation d'un long métrage de fiction réalisé l'année suivante en 16 mm couleurs, Entre les deux, mon corps balance, dans le cadre de la série de l'Ina, “Voyage sentimental”.

(Intention)
Filmer est ma façon d’avoir les pieds sur terre. Dans l’image, ce n’est pas le rêve que je recherche mais plutôt un mystère. Alors, je regarde : je tente de m’approcher au plus près de ce mystère. À chaque film, ce mouvement recommence. Peu importe que ce soit en 16 mm ou en vidéo, une commande ou un projet personnel. Reprendre ce mouvement, répéter cet instant : filmer.
La réalité ; les ondes de choc.
Avec la Paluche, le choc est presque réel. Rien ne me protège : si j’ai peur, si j’hésite, si je tremble, l’image en témoignera, irrémédiablement.
De ces signes, moments de fragilité, j’aime en garder quelques traces dans le montage. Pour m’en souvenir. Gagner ou perdre ? Le problème n’est pas là. Il n’y a pas de défi. Simplement, se trouver dans un état de disponibilité totale. Tous les miracles peuvent survenir.
Se laisser vaciller, mais toujours les pieds sur terre.
(Roma, 13 settembre 1985)

(Regard)
Lorsqu'on voit apparaître, et surtout durer, sur l'écran, le premier visage filmé par Annick Bouleau dans L'instant fatal, puis le second, on se dit que l'on est en train de refaire — neuve comme au premier jour des images filmées — l'expérience du pouvoir ontologique du cinéma à révéler un fragment de réalité. Ce cinéma-là est toujours à recommencer, l'énigme de l'évidence même de ces visages sera toujours plus forte, touchante, mortelle que toutes les émotions construites de toutes les fictions.
Pourtant, un à un, d'autres visages apparaissent et un doute vous prend. Qu'est-ce qui fait que ceux-là, aux quatre coins de Rome, se sont arrêtés tout à coup, captés par un regard, alors qu'à côté d'eux — on l'entend — la vie continue, normalement triviale ? D'où leur vient cette gravité vacante de Vierge devant l'Annonciation, mais Annonciation où l'ange resterait muet ? Quelle grâce les a touchés qui les a rendus si soudainement étrangers à eux-mêmes qu'ils n'arrivent plus à habiter leur visage ? S'il est visible qu'ils ont été élus, il l'est plus encore qu'ils ignorent la raison et la finalité de cette élection qui les soustrait du monde et embarrasse leur pauvre liberté ordinaire.
Bref, la magie ontologique du cinéma filmant simplement quelques visages (mais c'est ce "simplement” qui est aujourd'hui le plus difficile) a cédé la place au plus troublant des mystères, celui de l'élection et de la grâce.
Comme la plus forte des fictions. Comme la plus belle des récompenses.
(Alain Bergala, Paris, 15 octobre 1985)

(Reprise)
« Il y a de la récurrence »
Je reviens à L’Instant fatal en ce printemps 2024.
En partant de cette remarque d’Yves Duroux à l’issue d’une séance de visionnement, certainement à l’automne 1985 : « Il y a de la récurrence ».
En tant que sous-directeur de l'un des deux département SHS (sciences de l’Homme et de la Société) du CNRS, il a été pendant quelques années mon « chef » mais je ne connaissais rien de lui (je découvrirai son parcours bien des années plus tard).
À ce titre, je lui rendais compte chaque année de l’avancée de mon travail. Je n’avais jamais entendu parler de « récurrence ». Ce terme m’a poursuivi, au fil des années. Sont arrivés ensuite, « récursif », « récursivité », « feed-back », « rétro-action »… Tout cela était trop compliqué pour moi.

Mais il y avait ce film : huit plans, les uns à la suite, sans autres liens apparents que son titre (L’instant fatal), le lieu de tournage (Roma città) et celle qui filme tenant en main cette Paluche, ce regard décentré.

Quand il arrive que l'on s'intéresse à ce film, on ne retient que ce que l'on perçoit (visuel/sonore). Mais il y a autre chose en jeu. Et c'est vers cela que nous porte la remarque d'Yves Duroux. C'est de ce côté-là qu'il faut chercher ce qui trouble nos
habitudes spectatrices dans ce film.

Yves Duroux, alors élève de Louis Althusser à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, en 1965, à la demande de Jacques Lacan, intervient dans le séminaire de celui-ci, pour présenter l’ouvrage de Frege, Fondements des mathématiques. Jacques-Alain Miller, également élève d’Althusser, s’appuiera sur l’intervention de son camarade pour introduire à la « logique du signifiant » selon Lacan, à distinguer de la « logique logicienne » traditionnelle. Nous allons découvrir qu'il faudra s’intéresser au nombre et à l’introduction du zéro dans la suite des nombres entiers naturels !

Le travail s'inscrit ICI pour l’instant…
On peut aussi lire deux interventions d'Yves Duroux : les liens se trouvent sur la page DANS L'INSTANT (avril 2023)


(Euclide, Riemann  : l'espace ?)
C'est un long travail qui nous attend. Nous allons commencer par accumuler des bouts de textes…
(avril 2025)

«C'était mon idée de départ pour L'Instant fatal. Demander à des gens qui n'y étaient pas préparés de me donner un peu de leur vie, simplement en filmant leur visage pendant un temps non déterminé à l'avance. En m'arrêtant de filmer quand ils me le demanderaient. Je voulais voir si l'image enregistrée pouvait, dans le mouvement de la durée, avoir été le dépositaire d'une trace de fiction.
Comme si la fiction, ne naissait pas seulement d'une idée plaquée sur la réalité et développée par l'enchaïnement des plans et du récit, mais pouvoir venir du cinéma lui-même, directement de la prise de vue.
Comme si la fiction était une sorte de cancer, de prolifération démesurée et incontrôlable des cellules de la réalité et que le cinéma allait pouvoir, dans sa spécificité, me donner à voir ces passages de prolifération.
J'ai mis dix ans pour ouvrir le Gaffiot au terme “fingo” et découvrir que le premier sens de ce verbe, c'était modeler façonner. Fingere ceram, modeler la cire, c'est l'exemple du Gaffiot.
Alors, je m'obstine à toujours remettre les choses à nu, pour retrouver le cinéma qui va travailler, modeler, façonner, fictionner, si je lui en laisse le temps, ce milieu du monde qui vient à la rencontre de ma caméra.» Fragment 1136, matière «fiction», Passage du cinéma, 4992.

Ces lignes ont été écrites en 1998, spécialement pour être intégrées dans le montage du livre.


(English) «That was my initial idea for L'Instant fatal (The Fatal Moment). Asking people who weren't prepared for it to give me a little of their lives, simply by filming their faces for a period of time that wasn't determined in advance. Stopping filming when they asked me to. I wanted to see if the recorded image could, in the movement of time, have been the repository of a trace of fiction. As if fiction weren't born simply from an idea plastered over reality and developed through the sequence of shots and narrative, but could come from cinema itself, directly from the shot. As if fiction were a kind of cancer, an excessive and uncontrollable proliferation of the cells of reality, and that cinema, in its specificity, could allow me to see these passages of proliferation. It took me ten years to open the Gaffiot to the term "fingo" and discover that the primary meaning of this verb was to model, to shape. Fingere ceram, modeling wax, is the example of Gaffiot. So, I persist in always laying things bare, to rediscover the cinema that will work, model, shape, fictionalize, if I give it time, this milieu of the world that comes to meet my camera." Fragment 1136, "fiction" material, Passage du cinéma, 4992.
These lines were written in 1998, specifically to be included in the book's editing.


«Le geste deleuzien consistant à strier l'espace lisse est à mettre en regard de celui du mathématicien qui définit d'abord une variété topologique, où l'espace est pensé par les notions d'ouverts, de fermés et de voisinages, sans aucune considération de nombre (un espace lisse), puis munit (c'est-à-dire strie l'espace lisse) cette variété d'une structure différentielle pour en faire une variété différentiable, et par ajout d'un appareillage de mesures (justement une métrique) lui donne la possibilité de mesurer les longueurs entre les objets et la transforme en variété riemanienne. En ce sens, la variété topologique est un espace lisse, strié ensuite par des structures métriques et différentielles.»
Franck Jedrzejewski, «Deleuze et la géométrie riemanienne: une topologie des multiplicités".
En construction en ce mois d'avril 2025

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