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le livre impossible
Recueillis, retranscrits et traduits par Annick Bouleau.
Publiés dans Roberto Rossellini, sous la direction de Alain Bergala et Jean Narboni, Éditions de l’Étoile/Cahiers du cinéma, 1990, p.39-48.
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Carlo LIZZANI
Ce réalisateur, lié au courant néo-réaliste, a alterné tout au long de sa carrière les films documentaires et les films de fiction, parmi les plus récents, Mamma Ebbe et Caro Gorbaciov.
C’était en mai 1947. Je venais de terminer un film avec Giuseppe de Santis, Chasse tragique.
Auparavant, il faut dire que pendant les années de Résistance, je m’étais occupé surtout de politique. Le cinéma me semblait un aspect mineur de la vie culturelle et politique italienne. Je pensais que notre cinéma resterait toujours un cinéma national et que jamais nous n’aurions notre chance à l’étranger.
Et puis, avec le succès de Rome, ville ouverte, mon amour pour le cinéma est revenu. A nous, les plus jeunes, ce film avait donné la sensation qu’en faisant du cinéma, il était possible de faire quelque chose qui ne soit pas seulement national, provincial… et qui puisse aussi contribuer à la connaissance de notre pays. Rossellini était devenu une figure représentative extraordinaire, très importante.
C’est un ami commun qui m’appela et qui me dit que Rossellini cherchait un assistant. Sur le film précédent, Paisà, Rossellini avait eu deux assistants : Fellini, mais il n’était plus disponible, il travaillait beaucoup comme scénariste, et Massimo Mida qui, lui, était épuisé et n’avait pas le courage de recommencer tout de suite sur un autre film. Et puis, lui aussi, travaillait à ses premiers documentaires.
Je rencontrai Rossellini à Rome, très rapidement, et ce fut le début d’une aventure extraordinaire ! Car faire du cinéma avec Rossellini ne signifie pas seulement faire du cinéma. Cela veut dire : vivre plus intensément, entrer directement en relation avec la vie même ! et pas seulement avec le cinéma ! avec des hommes ! avec des pays !
Rossellini me dit : « Va à Paris, je te rejoins demain. Prends contact avec l’UGC [c’était la société française qui devait produire le film] prends contact avec un de mes collaborateurs [il s’agissait de Basilio Franchina] prends contact aussi avec Marlène Dietrich [Marlène Dietrich lui avait déjà donné pas mal de renseignements sur la situation à Berlin]. Si je tarde un peu, commence à travailler autour de ces idées. » Il me donna quelques éléments à partir desquels il pensait construire le film. Et je partis pour Paris.
Il arriva ni le lendemain, ni le surlendemain ! Mais un mois après ! Parce que, en réalité, à Rome, il était assailli par mille problèmes ! La distribution de Paisà qui, commercialement, n’allait pas très bien, des problèmes d’argent, des problèmes de famille, la Magnani qui ne voulait pas qu’il s’éloigne de Rome… Et donc, il arriva un mois après.
Ce mois à Paris fut une expérience extraordinaire. C’était la première fois que je venais en France. Par l’intermédiaire de Basilio Franchina, je pénétrai dans le milieu du cinéma français. Je rencontrai Marlène Dietrich, avec qui nous passâmes quelques soirées. On discutait beaucoup. Je prenais des notes pour enrichir mon dossier sur la situation à Berlin.
Finalement, au bout d’un mois, Rossellini arriva et me dit : « Tout est arrangé ! Nous pouvons commencer. J’ai d’autres idées, je te les laisse. Je vais à Berlin deux-trois jours… et je reviens. »
Il partit pour Berlin. Il revint et me dit : « Va à Berlin ! Moi, je résous ici les problèmes financiers avec l’UGC. Parle avec les gens. Essaie d’étudier la situation. Tu rencontreras un certain Max Colpet [un ami de Marlène Dietrich : elle l’avait suggéré comme scénariste]. Commence à travailler, j’arrive dans deux-trois jours ! »
Et il se passa la même chose. Je restai seul, tout un mois à Berlin, parce que Rossellini n’arrivait jamais ! Il était à Paris, de nouveau des histoires, des problèmes financiers. Il courait à Rome. La Magnani ne voulait pas venir à Berlin !
Mais ces deux mois, à Paris, puis à Berlin, je les considère déjà comme une collaboration très importante, très intense, avec un homme qui, justement, pour faire du cinéma, pour faire des films, devait aussi investir sa propre énergie pour les financer, les négocier, les organiser. En fait, à l’époque, il aurait été très facile, pour Rossellini, de mettre sur pied un film avec des acteurs connus. Mais lui voulait des acteurs inconnus ! Des gens pris dans la rue !… Edmund Meschke, l’enfant de Allemagne, année zéro, n’était pas un acteur. C’est Hans Albers qui nous avait indiqué un cirque où il se souvenait avoir vu un enfant intéressant parmi les acrobates. Ce n’était pas encore un acrobate, mais il était déjà familiarisé avec le monde du spectacle.
L’histoire était très mince : il s’agissait, en fait, de faire passer l’enfant à travers une série d’épisodes, de situations. C’est sur la recherche de ces situations que nous avions travaillé, Max Colpet et moi, en attendant Rossellini. Par exemple : pour exprimer le problème de la faim à Berlin, nous avions décrit une séquence de rue où un cheval tirant une charrette s’effondre en plein milieu de la chaussée, ce qui provoque la ruée des passants pour s’en partager la chair. C’est, d’ailleurs, un fait véridique que l’on m’avait raconté.
A partir de ce genre de situations, Rossellini pouvait travailler pour introduire, naturellement, un fil narratif. A l’époque, ce n’était pas son genre de s’installer derrière un bureau (son grand amour pour les livres et pour l’écriture est venu plus tard) l’écriture, il la laissait à Max Colpet et moi-même. Nous habitions dans des appartements réquisitionnés par les Forces Armées d’Occupation françaises. Nous prenions tous nos repas à la Maison de France, parce que le film était français. En tant qu’Italiens, nous ne serions jamais entrés à Berlin ! Mais en tant que collaborateurs d’un film français, nous pouvions circuler librement.
Notre principale activité de scénariste de Rossellini qui, à son arrivée, se mit à travailler avec nous, consistait à courir toute la ville, à rencontrer des gens, passer des soirées avec des artistes… Nous avions retrouvé un vieux compagnon d’études, le comte Franz Friedrich von Treuberg. Il avait étudié à l’université de Rome. Opposant au régime nazi, il était rentré depuis peu en Allemagne et avait pris la direction d’un des plus importants théâtres de Berlin.
Petit à petit, les idées venaient, mûrissaient, pour être jetées au panier le lendemain et remplacées par d’autres idées qui, elles aussi, mûrissaient… Ainsi de suite pendant un mois et demi environ. Rossellini, Max Colpet et moi… jusqu’au jour où Rossellini nous dit : « Maintenant, je peux tourner ! » Nous avions en main une quinzaine de feuillets. Sur chaque feuillet, une séquence décrite en quelques lignes. Mais tout était tellement clair, pour lui comme pour nous. Il manquait les dialogues, mais de toutes façons il ne devait pas y en avoir beaucoup.
Entre-temps — Rossellini avait le caractère que l’on sait : extraordinaire, chaleureux avec les amis, mais sujet à des sautes d’humeurs et d’affections imprévues ; Max Colpet nous avait été présenté par Marlène Dietrich, qui nous avait également présenté son mari [il était directeur de production] — ces deux-là lui devinrent soudainement antipathiques !
Il chercha à s’en libérer, à ne plus les voir, à faire le scénario seulement avec Treuberg et moi. Donc, notre collaboration se poursuivit ainsi : Rossellini, Treuberg et moi. Arriva le moment du tournage. Compte-tenu du rythme qui avait été le nôtre jusqu’alors, si lent, si détendu, je pensai : « Tu vas voir ! un mois à Paris ! un mois et demi à Berlin ! seulement pour parler, pour construire la structure du film !… » J’imaginais… Et puis, j’avais entendu dire que le tournage de Paisà avait duré six mois… De Berlin, j’imaginai que nous ne sortirions plus de cette ville, que nous y resterions des années !
Tout au contraire ! Quand Rossellini avait les idées claires, il était d’une rapidité absolue ! Les extérieurs furent tournés en trois semaines ! Cela faisait plus de la moitié du film, peut-être les deux-tiers.
Et puis, de nouveau, Rossellini, brusquement, avec ses sautes d’humeurs, ne pouvait plus supporter Berlin ! La Magnani ne voulait toujours pas venir. Il ne tenait plus. Et à ma grande déception, je dois dire, il décida de tourner les intérieurs à Rome… Je trouvais cela très injuste envers Berlin : on avait déjà choisi les appartements. Cela me semblait être aussi une trahison envers le style même de Rossellini, envers le néo-réalisme ! Rentrer en Italie et construire les intérieurs !…
Commença alors une autre étape tout aussi aventureuse que les précédentes, car il s’agissait de faire sortir d’Allemagne et de transporter à Rome une quinzaine d’acteurs, plus une série d’amis, de parents, des amis d’amis que Rossellini avait pris en affection et à qui il voulait absolument faire obtenir un visa ! Alors, toute cette troupe, à travers le secteur français, fut embarquée pour Paris, et de Paris, rejoignit Rome. Mais de nouveau Rossellini avait des problèmes. Il n’avait plus d’argent. Il dut rester à Paris. Et je me retrouvai à Rome, à l’attendre… Avec son accord, j’en profitai pour aller faire les repérages du prochain film de Giuseppe de Santis, Riz amer.
Le tournage repris vers le mois d’octobre. Une surprise assez comique nous attendait… Ces acteurs allemands qui avaient connu la faim, les conditions de grande privation matérielle, d’une part avaient bronzé sous le soleil, mais surtout, ils avaient mangé tant de spaghettis, tant de pizze, tant de cappucini, tant de cornetti, qu’ils avaient grossi de dix, quinze kilos ! Au montage, cela devenait impossible : on voyait un homme maigre marcher dans la rue. Au plan suivant, en intérieur, une porte s’ouvrait et c’était un autre homme qui entrait, le teint basané et les joues pleines ! Il fallut interrompre le tournage et attendre que les Allemands maigrissent ! Avec l’effort de tous. On ne pouvait pas les empêcher de manger, mais tout de même… Après une période de sacrifices, le tournage reprit. Et comme je le disais auparavant, quand Rossellini était en veine…
En deux, trois semaines, tout fut terminé. Si l’on additionne les semaines de tournage, on peut dire que Allemagne, année zéro a été fait en sept, huit semaines. En un certain sens, un miracle ! Mais un miracle, je le répète, que j’ai vu se développer en personne ! Quand Rossellini avait les idées claires, tout paraissait et devenait simple. Des scènes théoriquement compliquées étaient résolues avec un plan-séquence, quelques gros plans et une technique très simple. Je me souviens, j’ai moi-même tourné quelques plans à Berlin. Avant d’envoyer tout le monde à Rome, Rossellini avait dû aller à Paris. Il n’avait pas pu terminer tous les plans avec l’enfant marchant dans les rues. Il fut très satisfait de ce que j’avais fait. Les images sont effectivement très belles, mais je ne me vante pas, tant les directives que m’avaient laissées Rossellini étaient claires. N’importe qui aurait pu les tourner, tant l’idée était claire !
Rome, le 26 février 1987, dans une salle de montage de la Fonoroma.
Nino FRANCHINA
Le sculpteur Nino Franchina et sa femme Gina faisaient partie du cercle d’amis de Rossellini qui se retrouvaient dans les trattorie entre Piazza di Spagna et Piazza del Popolo. Nino Franchina est décédé quelques mois après l’entretien.
Il tournait, via degli Avignonesi, dans un studio improvisé, Rome, ville ouverte. Nous étions allés le voir travailler. C’était la scène de torture de Marcello Pagliero. Il se retourne vers moi : « Nino ! écoute ! toi qui es sculpteur… regarde, ça ne donne rien ! Comment est-ce qu’on peut faire ? » A l’époque, il n’y avait pas de maquilleur, ou alors seulement pour les femmes. J’ai réfléchi un moment. Et puis je lui ai dit : « Fais-moi apporter un peu de chewing-gum ! » Les machinistes sont partis chercher des chewing-gums. Ils sont revenus avec un carton plein ! et je leur ai dit : « Bon, maintenant, mastiquez-les ! » Ils se mettent tous à mastiquer… C’est devenu une sorte de pâte un peu sanguignolente ! Et avec mes mains de sculpteur j’ai appliqué cette pâte sur le visage de Pagliero… De temps en temps, j’arrangeais un peu, selon les coups qu’il était censé avoir reçus…
Gina FRANCHINA
Tout le monde sait qu’il choisissait toujours des amis comme acteurs. Un peu parce qu’il n’avait pas d’argent, un peu parce qu’il aimait ça. Quand il a tourné l’Invidia, il nous a demandé de participer. L’histoire se passait dans l’escalier d’un peintre et nous devions improviser des discours intellectuels. Sur commande ça n’est pas facile ! A la fin du film il y a une scène où le peintre prend un chat blanc et le jette par le fenêtre… On était en train de tourner cette scène quand un enfant est entré dans la pièce en disant : « Oh ! quel beau chat ! ». Alors, stop ! tout s’arrête !… « A qui ? qui est-ce ? à qui est cet enfant ? ». Personne ne le reconnaissait. Finalement, la troisième fois que Rossellini a dit : « M’enfin ! à qui est ce petit garçon ? », timidement, mon mari et moi avons dit : « C’est Sandro, c’est notre fils — Ah ! mais c’est formidable, parce que c’est tout à fait le fils pour Ingrid ! » Voilà, c’est comme ça que Sandro a fait Europe 51.
Sandro avait douze-treize ans. Je l’accompagnais aux studios. Entre une scène et l’autre, il y avait Ingrid qui tricotait. Rossellini l’admirait beaucoup, mais… il était un peu agaçé par sa bravura : « E troppo brava !» Elle était toujours parfaite : elle entrait, elle sortait, elle remettait son chapeau…
Avec mon fils, il était très gentil, mais avec les autres, avec Ingrid, il était très autoritaire. Je me souviens d’une scène qui m’a frappée parce qu’elle est un peu cruelle. Ils s’aimaient très fort, ils étaient encore très amoureux l’un de l’autre… C’était une scène où elle devait s’approcher de la caméra. Lui était derrière la caméra. Il s’adresse à elle : « Retire ce que tu as sous le nez ! » Elle, si distinguée, pour la première fois a perdu le contrôle : « Comment ? Cela fait — je ne me souviens plus — X années que nous allons au lit ensemble et tu ne t’es jamais rendu compte que j’avais une grain de beauté sous le nez ? » […]
Je me souviens aussi de Paisà. Quand il a commencé à monter, il s’est aperçu qu’il lui manquait des morceaux, alors, il allait les tourner à droite et à gauche. Un soir, nous sommes allés près d’Orbetello : c’est sur la côte, au nord de Rome. Il y a une très petite lagune. Nous y avons tourné un plan pour l’épisode avec les partisans dans la plaine du Pô. C’est moi qui devais agiter les flambeaux qui étaient des signaux pour les partisans. Rossellini me disait : « Vas-y !… très bien… c’est parfait… » Il était toujours comme ça, très décontracté.
Chez Nino et Gina Franchina, Rome, 24 février 1987, via Margutta, à deux pas de piazza di Spagna.
Marie-Claire SINKO
Tout le cinéma italien ou presque, s’est retrouvé un jour sur sa machine à écrire de traductrice de cinéma…
J’ai commencé à travailler pour lui en traduisant en français La Machine à tuer les méchants. Ensuite il m’a fait traduire beaucoup de ses films : Les Actes des apôtres, Pascal, Descartes.
Pour Descartes, il devait tourner en anglais, ils avaient donc pris des comédiens qui le parlaient et leur avaient distribués leurs rôles en anglais. En fait, il tournait en anglais pour avoir l’argent américain et passer sur les chaînes de télévision américaines qui refusent de sous-titrer.
Mais la veille du tournage, les producteurs français protestent en disant : « Descartes en anglais, c’est absurde ! ». Evidemment, ils avaient raison. La décision est donc prise de tourner en français.
Le lendemain, les comédiens arrivent sur le tournage, tout frais tout roses, en sachant parfaitement leurs rôles en anglais. Et on dit à ces malheureux : « Non, ce ne sera pas en anglais, voilà le texte français. » Panique ! Certains ne savaient absolument pas un mot de français !
Alors Rossellini m’appelle en catastrophe : « Vite, Marie-Claire, au secours, il faut que vous suiviez le tournage du film. » Il m’avait engagée comme coach-girl. J’ai protesté : « Quand même, coach-girl ! » Il m’a répondu : « Oui, ma chérie, vous avez raison, on aurait dû vous appeler coach-lady ! »
Et on a commencé à tourner, je me mettais devant les acteurs, Rossellini dans mon dos, je leur récitais le texte et eux, tremblants de peur, répétaient au fur et à mesure tout ce que je leur disais. Tout Descartes est sorti comme ça, avec mon accent méridional et ma voix claire, sur la bande-son directe on n’entend que moi. Je devais toujours être le plus près des comédiens. A un moment, Rossellini a essayé de me mettre dans le lit de Descartes. Heureusement que je suis assez grosse et que c’était un tout petit lit, je n’y tenais pas. Alors le comédien a dit : « Je ne sais pas, moi, elle pourrait s’asseoir sur mes pieds. » j’ai dit : « Ah, non, je ne m’assieds pas sur les pieds de Descartes. » Finalement, on m’a cachée derrière une table. J’étais toujours dans le décor mais cachée quelque part. Quand on tournait dehors, dans le parc qui était superbe, j’étais cachée dans les petites haies et je regardais les acteurs à travers les branchages.
Un jour, pour Descartes, il y avait un décor de cuisine. La sœur de Roberto, Marcella Mariani, qui le suit toujours sur ses films, arrive et lui dit : « Regarde cette cuisine, elle est absolument ignoble, c’est un vieux château tout sale, il faut blanchir tout ça, les Hollandais sont propres ! » Alors, crise contre sa sœur : « Je ne vais pas perdre du temps à nettoyer un château. » Elle insiste parce qu’elle savait qu’il fallait qu’elle insiste, elle répète : « Non, la Hollande est propre ! — Eh bien moi, répond Rossellini, je ferai une Hollande sale ! » Elle était horrifiée, mais il a fait blanchir la cuisine car il finissait toujours par faire ce que sa sœur lui disait.
Un jour, il tournait une scène où deux Hollandaises sont en train de coudre et il s’aperçoit qu’il manque quelque chose sur la table, un panier à couture. Il réclame un panier. Les assistants courent dans tous les sens et reviennent bredouilles. « Comment, il n’y a pas de panier ? dans un village italien il n’y a pas de panier ? » Alors il se tourne vers moi parce que j’avais un sac, mais c’était un joli sac moderne, acheté à Rome, via Frattina. Il attrappe mon sac, le pose au milieu de la table et dit : « Voilà, ça c’est un sac hollandais ! » J’ai gardé la photo où mon sac romain est devenu un panier à couture hollandais ! »
Rome, 25 février 1987, chez elle, dans le Trastevere.
Pierre ARDITI
En 1971, Pierre Arditi interprète le rôle du célèbre penseur dans Blaise Pascal, co-produit par la RAI et l’ORTF.
Le rapport que j’ai eu avec Rossellini n’a pas été un rapport d’acteur à metteur en scène. Ça n’est pas une légende : Rossellini n’aimait pas les acteurs. Il les trouvait sophistiqués, chiants, fatigants avec leur cirque. Il m’a dit un jour : « Je peux faire jouer une chaise. » D’ailleurs, je suis une chaise dans le film, une bonne chaise, mais une chaise tout de même. Je n’ai jamais eu de pouvoir sur ce que je faisais. Il m’a donné la becquée comme on la donne à une pintade à qui on dit d’aller à droite, à gauche : je suis allé à droite, à gauche, j’ai mis la main comme ça… au moment du mémorial… la découverte de Dieu… Il fallait que ma main descende comme ça, et ensuite que ma tête tombe comme ça, et puis je devais m’écrouler parce que j’avais enfin la révélation de Dieu… C’est la scène la plus réussie du film, mais je n’ai pas eu « voix au chapitre ». Il basait tout son travail sur une gestuelle qui était tellement précise qu’elle finissait par vous donner des indications intérieures. Simplement, quand j’ai travaillé avec lui, j’étais très jeune, je n’ai pas maîtrisé tous ces mécanismes. J’en ai eu conscience plus tard.
Il m’a choisi au fond… parce que je ne ressemble pas à Pascal. Il s’est dit : « De toute façon, je vais prendre une chaise, alors, cette chaise-là ou une autre, peu importe. Celui-là a l’air sympathique, il n’a pas l’air trop chiant, il a un petit enfant adorable, il aime les enfants… » Lui, il adorait les enfants, ma femme était sympathique… il n’a pas fait un choix d’acteur. Il a fait un choix de sympathie. J’ai donc plutôt des souvenirs de l’homme que du metteur en scène. Je le revois conduisant comme un malade sa NSU RO 80 sur les autoroutes et refusant de se laisser doubler par qui que ce soit ! C’était en même temps un personnage très fascinant. Je me suis toujours extrêmement bien entendu avec lui, mais parce qu’il ne me prenait pas pour un acteur. Quand il venait à Paris, il me téléphonait pour qu’on mange ensemble… Je ne l’avais pas emmerdé sur le tournage, donc, c’était bien pour lui, ça suffisait. Je ne l’avais pas dérangé.
Paris, le 8 avril 1987, chez lui.
Beppe CINO
Il a été le dernier assistant de Rossellini. Depuis il est passé à la mise en scène et a créé sa propre maison de production.
Je suis entré au Centro sperimentale en 1970, alors sous la présidence de Rossellini. Je me souviens de la première assemblée des élèves, le 12 janvier 1970 et de la première phrase que Rossellini prononça ce jour-là : « Je vais sur mes soixante-dix ans et je vais utiliser toutes ces années qui me restent à vivre, à jeter de la merde sur la cinéma ! » Et nous, qui étions justement là pour faire du cinéma, la phrase nous traumatisa, bien évidemment. Nous avons demandé ce que cela signifiait. Cela signifiait jeter de la merde sur le cinéma-cinéma, c’est-à-dire sur le cinéma auquel avait appartenu Rossellini et auquel il ne voulait plus appartenir.
Le choix de Rossellini pour la télévision et le cinéma à des fins didactiques correspondait, selon moi, à des motivations très sincères : sortir du cinéma de divertissement pour accéder au cinéma comme moyen de connaissance. C’est vrai que, sur le marché cinématographique, Rossellini était désormais « out », mais le choix idéologique pour la TV était né bien avant ! il est né avec India ! Il est même né avec le néo-réalisme ! Donc, même s’il a flairé un vent de difficultés, il s’en est sorti, non en faisant des films quelconques, mais en imaginant des solutions qu’il ressentait comme absolument nécessaires.
Nous avons beaucoup parlé de tout ça. Je n’ai pas été seulement son assistant, j’ai eu avec lui pendant cinq ans, tous les jours, un rapport de grande confiance. Il confiait qu’il parlait peu avec ses enfants, et comme cela arrive toujours, c’est plus facile de parler avec des étrangers. Rossellini ressentait très fort la « misère » du métier de cinéaste. Il avait vraiment l’impression d’avoir perdu son temps et sa vie en faisant des films, alors qu’il y a tant de problèmes sur lesquels intervenir dans le monde. Il fallait oublier le cinéma-cinéma, utiliser les moyens cinématographiques comme une pointe Bic pour dire des choses d’importance collective. Et lui, de répéter sans cesse : « La tête est faite pour penser ! »
Le Messie est au départ un projet très étrange. Dans les années 70, Rossellini n’avait aucunement l’intention de faire un film sur le Christ. Il avait eu l’idée de reprendre un de ses vieux scénarios, avec des dialogues de Jean Gruault, qui s’intitulait : Les Cornes, le Diable et la Mort. Finalement, il a fait Anno Uno. Il avait aussi un projet énorme sur l’Islam, douze heures ! Il avait d’ailleurs déjà pris contact avec le Shah d’Iran… Le projet du Messie est né au cours d’un séjour à Houston. On sait que pendant quelques années, Rossellini a enseigné au Media Center de la Rice University à Houston. Ce Media Center était financé par la Demesnil Foundation, du nom de ses créateurs, un couple de pétroliers texans milliardaires. Rossellini était devenu très intimes avec eux. Ils co-produiront d’ailleurs en partie L’Età di Cosimo de’ Medici, tourné en 72. Les Desmenil étaient catholiques, catholiques milliardaires. Autour de la Desmenil Foundation gravitaient toute une série de personnages un peu utopistes, un peu gandhiens. Rossellini lui-même, dans ces années-là, était très porté à exprimer des sentiments similaires, entre la morale et le politique.
Parmi ces personnages, il y avait un prêtre, le Père Peyton, quelqu’un de très étrange et de très mystérieux. Il dirigeait une association qui réalisait des spectacles théâtraux paroissiaux de haut niveau, si je peux dire. Une association qui, parmi ses membres, comptait notamment la sœur de Kennedy. Ce prêtre connaissait très peu Rossellini… Donc, un soir, le Père Peyton se met au lit et il rêve. Il rêve que lui apparaît la Madone et qu’elle lui dit : « Tu dois faire un film sur le Messie et le metteur en scène doit être Rossellini ! »… Alors, il va voir Rossellini pour lui raconter. Rossellini est un peu ahuri. Avec ironie, il lui répond : « Ah ! si c’est la Madone qui l’a dit ! ». Tu sais bien que Rossellini ne croit ni à la Madone ni à… Pour faire ce film, le Père Peyton imagine une sorte de grande collecte et rassemble deux millions de dollars — ce qui, en 1974, représente une somme très importante —, qu’il met à la disposition de Rossellini sous forme de deux lettres de crédit. Mais sur le marché financier italien, personne n’en veut. Pour des tas de raisons. Peut-être aussi en raison de l’insuccès de Anno Uno, réalisé l’année précédente, sur De Gasperi, leader historique de la Démocratie chrétienne. Peut-être que les relations de Rossellini avec une partie de la DC s’étaient refroidies…
Entre-temps, il tombe vraiment amoureux du projet. L’idée est de faire, d’abord Le Messie, ensuite Marx. C’était les années de la contestation. Rossellini pensait « attraper par les cheveux » comme il disait, « les deux têtes les plus révolutionnaires de l’Occident depuis deux mille ans ». Il « poussait » donc Le Messie afin de pouvoir faire Marx ensuite. Alors, devant les refus répétitifs, que fait le vieux Rossellini ? Il écrit à Paul VI. Une lettre passionnée dont j’ai d’ailleurs la photocopie. Paul VI venait de prononcer son fameux discours à la tribune de l’ONU : « Jamais plus la guerre ! Jamais plus la guerre !» Rossellini lui écrit : « Votre discours m’a beaucoup ému, je suis en train de préparer un film sur le Messie. Je voudrais vous rencontrer. » Il n’était pas croyant, mais très respectueux, il ne voulait pas faire un Messie qui ne soit pas orthodoxe. Paul VI le reçut. J’étais au bureau à attendre. Cette rencontre servait à officialiser le projet mais aussi à faciliter l’écoulement des fameuses lettres de crédit. Le Pape apprécia le projet, le scénario respectait les Evangiles… Et de cette entrevue sortit le miracle : les lettres furent acceptées par le Banco di Santo Spirito, qui est une banque, je crois, liée au Vatican.
Nous fîmes donc Le Messie. Dans ces années-là, j’étais très maigre et portais les cheveux longs. Rossellini m’appelait « Beppe, le prophète », aussi parce que j’étais un peu gauchiste. Un jour, il me dit : « Beppe, tu me cherches les Apôtres, tu me cherches tout le casting, mais toi, ne te coupe pas le cheveux ! » — « Comment ? Je ne me coupe pas les cheveux ? ». Il voulait que je fasse le Christ ! Militant d’extrême-gauche, la chose ne me revenait pas tout à fait ! Je finis par le convaincre : « Avec toi, Beppe, un regard suffit pour se comprendre. Prendre un autre assistant serait trop difficile. Allez Beppe ! Trouve-moi quelques Jésus-Christ ! »
Je lui choisis douze Jésus-Christ possibles, en les classant par ordre de préférence. Me souvenant d’un Christ qui dit : « Je suis venu porter l’épée parmi vous », j’avais choisi un acteur avec une face terrible, un acteur français d’ailleurs, un visage de Palestinien, comme devait être Jésus… l’œil torve, la lèvre un peu fendue… Rossellini me dit : « D’accord, Beppe, mais tu t’es trompé ! Ce n’est pas Jésus, c’est Judas ! Je ne veux pas d’un Christ terrible ! » et il choisit le douzième qui était véritablement un Jésus d’image pieuse ! Fragile et faible, pas du tout pasolinien ! Rossellini refusait les modèles des autres. Donc, peut-être aussi par parti pris, il ne voulait pas que son Christ ressemble, même de loin, à celui de Pasolini, qui était le modèle le plus proche dans le temps…
Il choisit donc ce garçon très fragile, grand et blanc de peau. Je conseillai à ce malheureux d’aller un peu se faire bronzer à la mer. Il n’en fit rien. Alors, pour la scène du baptême sur les rives du Jourdain, qui est une des premières scènes que l’on ait tournées en Tunisie, il y a ce Jésus qui descend de la colline pour recevoir le baptême de Jean. Une parenthèse ici, pour dire comment Rossellini, même sur un projet qui lui tenait à cœur, n’était pas très attentif à choisir les éléments du projet de manière cohérente. Jean-Baptiste, tout le monde le sait, se nourrissait, dans le désert, de lézards : c’était un homme maigre, sec, les joues creuses, sales… et lui, Rossellini… (rires)… choisit un garçon pour qui il avait une grande affection : c’était le beau-frère de Silvia d’Amico, sa femme à l’époque, un garçon portugais qui ressemblait un peu à… tu te souviens du mari de Jane Mansfield, un peu à Steeve Reeves aussi. En plus, il faisait du body building. Donc : bel homme, yeux bleus, mâchoire… occidentalissime, thorax puissant ! Et comme tous les jeunes, au moment du clap, avant de donner sa réplique, il inspire très fort… ! Heureusement, Rossellini s’était tenu un peu distance pour ce plan, mais on voit ce Jésus tout pâle s’agenouiller face à cette espèce d’Hercule qui dit ne pas être digne de lui lier les lanières de ses sandales…
C’est un fait que souvent, quand Rossellini mettait son nez dans le casting, ses choix étaient des choix d’amitiés, de sympathies. Marie était la fille de l’actrice qui a fait Sainte Claire dans les Fioretti… D’autres personnages furent choisis par Silvia d’Amico… Disons que jusqu’au Messie, j’avais pratiquement toujours eu carte blanche pour choisir les acteurs. Sur Le Messie, il y avait ce rapport très affectueux entre Rossellini et Silvia et donc, comme cela arrive très souvent dans le cinéma, Silvia cherchait à placer ses amis. Par exemple, un acteur comique comme Vittorio Caprioli interprète Hérode. Selon moi, cela provoque une sorte de gag dans le film, quand il ordonne l’ordre de tuer les enfants. Hérode Antipas est joué par un ami de Silvia, Toni Ucci, un acteur de cabaret. Rossellini aimait l’idée de tourner en dérision le pouvoir. Le pouvoir représenté par deux bouffons, oui, cela pouvait fonctionner.
Une chose très curieuse fut le choix de Salomé. Evidemment, elle devait être très belle, avoir le teint basané d’une Palestinienne et être danseuse. C’était la mi-août. Nous étions rentrés de Tunisie et devions tourner en septembre les scènes concernant l’Ancien Testament. Rossellini me demande donc de chercher une Salomé. Déjà, Rome au mois d’août, c’est comme s’il n’existait plus personne ! Je trouve quand même une Salomé, une fille assez belle, danseuse, la peau très mate, les yeux noirs. Je montre les photos à Rossellini : il n’est pas convaincu. Il me dit une phrase un peu… « macho »… que sur l’écran, Salomé doit faire sauter les boutons de braguette aux hommes dans la salle ! Parce qu’elle pousse Hérode Antipas à tuer Jean-Baptiste. Il faut donc une présence très sensuelle. Je lui dis que je vais chercher une autre Salomé. Une semaine après, Rossellini va passer un week-end chez le fils de la Magnani, Luca Magnani. Là, il rencontre une fille qui était invitée aussi. Elle était originaire du Val d’Aoste ! Donc, yeux bleus, peau claire, cheveux blonds. Il me téléphone : « Beppe, ne cherche plus Salomé, je l’ai trouvée — Elle sait danser ? — Non, mais elle est justissime ! Je te l’envoie au bureau demain matin. » Le lendemain, je vois arriver une petite ingénue qui n’aurait pas fait sauter les boutons de braguette à un prisonnier ! Mais voilà… Rossellini était ainsi — c’est peut-être quelque chose qui ne se dit pas souvent : un personnage très bizarre. Il adorait ce qu’il faisait, il était convaincu de la force de l’idée, mais il n’organisait pas les choses de manière à respecter justement la force de l’idée. Parce qu’il pensait que l’idée pouvait marcher sur ses propres jambes, indépendamment de ces castings faits avec les amis, les parents. Ils aimait beaucoup ces patchwork, ces castings hybrides. […]
Le zoom, c’est lui qui le manœuvrait, sans, la plupart du temps, prévenir qui que ce soit, même l’opérateur ! Et c’est là une des grandes richesses de Rossellini : ce qu’il filmait devenait vraiment un document. Il flairait ce qu’il fallait, à un moment précis, attraper d’une scène. C’est pour cela que les rushes du film sont quasiment des « news » du Messie. On a l’impression de voir un reportage en Palestine, il y a deux mille ans…
Quand nous avons filmé l’arrivée des Hébreux en terre de Canaan, j’avais commencé à travailler à cinq heures du matin pour un tournage prévu à treize heures. Il y avait des milliers de figurants, des ânes, des dromadaires, des chevaux, répartis sur plusieurs kilomètres dans le désert, au milieu des dunes. Arrive le moment de tourner. L’opérateur demande à Rossellini : « Dottore, où met-on la caméra ? — Tu la mets ici… — Vous ne la voulez pas un peu plus haute ? — non ! non ! » La caméra était très basse, à peine à un mètre du sol. Avec les dunes, on ne voyait pas grand chose. Je lui fais remarquer timidement… Il me répond : « Beppe, ne te fais pas de soucis ! » Au moment de l’action, lorsque ces milliers de figurants avancent… à mon avis, il savait parfaitement ce que j’avais mis en place et ce que l’on aurait pu voir s’il avait monté un plus la caméra : un grand plan d’ensemble. Mais c’était déjà une image trop hollywoodienne à son goût. Alors, à peine les masses se déplacent-elles, que lui avec son zoom… boom ! Sur le premier groupe qui arrive. Et il n’a fait que zoomer sur les groupes quand ils sortent des dunes. Il a fait un seul plan d’ensemble, mais d’un autre point de vue, très différent. Ceci pour dire qu'il arrivait toujours à filmer comme il voulait.
Une autre scène, quand Marie donne à l’enfant le petit châle hébreu. J’avais prévu un mouvement de chevaux qui passaient dans le champ. Dans l’œilleton, Rossellini se rend compte que ces chevaux arrivent, et le plan est très serré. Qu’est-ce qu’il fait ? Il ouvre le zoom, laisse passer les chevaux, et resserre à nouveau. A la fin du plan, je lui dis : « Excuse-moi, tu veux recommencer ? — Non, pourquoi ? — J’ai vu que je ne t’avais pas dit qu’il y avait des chevaux, alors tu as été obligé… Eh bien, quoi ? J’ai ouvert le zoom, je l’ai refermé, et alors ?»
Le film terminé, il dut le défendre, notamment contre le fameux Père Peyton. En bon américain, celui-ci s’attendait à un film hollywoodien, une Zeffirellata ! Il dit à Rossellini : « Mais Roberto, où est le Calvaire ? » Ce qui le dérangeait c’est qu’il n’y avait pas les soldats romains avec leur fouet : « Ah ! Ah ! Ah ! sale juif !… », le sang partout autour de Jésus, la couronne d’épines… Rossellini ne changea pas un photogramme et je crois que l’affaire se poursuivit à coups d’avocats. Je ne sais pas si, encore aujourd’hui, le film a été distribué d’une façon ou d’une autre en Amérique. En Italie, il passe au moins une fois par an, à Pâques. En 1975, il fut refusé par toutes les sociétés de distribution, même celles d’Etat, comme Ente Gestione Cinema/Italnoleggio, proches de la DC.
Finalement, c’est l’ARCI, l’association culturelle du Parti communiste italien qui l’a distribué. Une distribution quasi clandestine : petites sorties dans de petits cinémas, des affiches très modestes réalisées par l’ARCI, collées par des volontaires. En somme, Le Messie, né comme un film voulu par la Madone, avec des millions de dollars, Huston, le Père Peyton, etc. — et cela est assez typique dans la carrière de Rossellini — devint un film presque militant, distribué… par une distribution qui d’ailleurs n’existait pas, l’ARCI n’ayant pas le statut de distributeur. Mais ce fut l’unique chance donnée au film…
Rome, 6 avril 1988, huit heures du matin, au siège de sa société dans le quartier de Monteverde.
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