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Note au lecteur

D'ailleurs, de quoi est-il question dans la construction du chemin ? S'agit-il toujours de forcer les mots (pour écrire un texte) ou forcer la matière (le marbre pour sculpter ou la lumière pour cinématographier) ? S'agit-il toujours de crier Victoire ! ? S'agit-il toujours d'une histoire de vainqueur/vaincu ? S'agit-il toujours d'agir sur quelque chose ?
Bien sûr, on débroussaille, on fore, on déblaye, on va chercher d'autres matériaux, et parfois aussi on fait avec ce qu'on trouve, un peu comme l'empereur romain Aurélien lorsqu'il fait construire autour de la Cité un mur sinueux qui incorpore tout ce qui se trouve sur son passage, depuis la Piramide jusqu'à la plus simple maison romaine [1]. Mais il s'agit toujours d'exercer son pouvoir.

Pouvons-nous imaginer une autre attitude ? Une sorte de disponibilité vis à vis de ce vers quoi nous allons (que ce soit le corps sculpté ou le film à venir) ? Laisser venir, laisser apparaître : non pas qu'il y aurait quelque chose de caché, déjà là, qui aurait besoin d'être révélé, mais quelque chose qui va naître, apparaître, dans le moment, le geste même où nous le produisons. Pour penser comme cela, nous devinons, qu'il nous faut d'autres repères, d'autres critères, d'autres agencements.

À vous (toi) lecteur(s) : je n'en sais pas plus que vous (toi). Je fais comme je peux (et non pas comme je veux). Flottante, au milieu de tous ces savoirs qui m'entourent (qui nous entourent), accumulés depuis des siècles. Comment se frayer un chemin qui soit aussi un chemin commun, ou plutôt : comment partager du commun dans le construction de nos chemins singuliers ?
a.b.


À LIRE [Ouvrez !]
Des montages de textes proposés temporairement pour faire avancer le chantier d'Ouvrir le cinéma.

CONSTELLATION [Ouvrez !]
constitue notre socle de connaissance émergé, mis à jour.
Mais le mouvement de recherche est incessant…


ENTRE NOUS [Ouvrez !]
Un sens ne se partage pas, mais se vit, nous rappelle Pierre Laffitte. Le jeu (social, humain) est de chercher à le partager pour en faire une signification et lui accorder une certaine valeur.


Note
[1]Milovann Yanatchkov, Objectif ROME, T.P.F.E, Ecole d'Architecture de Paris-La Villette, 2000, p.192-193, inédit.
« Les coudes, les brusques changements de trajectoires, les zigzags, sont le résultat de nombreux compromis : les architectes de l'empereur devaient faire en fonction de la propriété des sols. Le jeu de la spéculation était bien réel et les terrains traversés par l'enceinte étaient divisés en deux parties : la partie intérieure, donc protégée, prenait de la valeur tandis qu'à l'extérieur elle en perdait. Pour satisfaire les intérêts des propriétaires privés, les architectes d'Aurélien étaient donc contraints de négocier : la ligne sinueuse de l'enceinte serait donc notamment le résultat de ces tractations.
Outre les concessions aux propriétaires privés, les constructeurs ont dû s'accomoder de moyens financiers restreints; ils ont dû adapter le tracé de la fortification aux bâtiments déjà présents sur le terrain, afin de les réutiliser et faire ainsi des économies de temps et d'argent. Là où un édifice de taille pouvait constituer une partie de l'enceinte, il était intégré dans le continuum de briques.
En observant attentivement, on peut voir clairement, dans la masse du mur, tout au long de son parcours, une quantité d'architectures complètement étrangères aux constructions militaires, comme une accumulation de ready made. Des immeubles d'habitations, dont les fenêtres murées et les balcons sectionnés sont bien visibles, ou encore près de la porta Pia, une niche accueillant une statue appartenant à une ancienne villa romaine qui s'est retrouvée prise dans le tracé du mur.
Mais le collage ne se limitait pas à de simples constructions sans valeur. Des édifices publics, tels qu'un amphithéâtre près de la porta Maggiore, ou des édifices religieux furent absorbés par le chantier qui dévorait tout sur son passage. Même des sépultures ont apporté leur tribu : la pyramide de Caius Cestius, le mausolée de Cornelia Vatiena, de Virgilio Eurisace, de Quitino Haterio, sans compter le flot des tombes anonymes dont les parties saillantes qui ne pouvaient être intégrées à l'ouvrage étaient purement et simplement sectionnées. »

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