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le livre impossible
[Enseigner avec le cinéma. Rencontre avec la pédagogie institutionnelle]
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I-1. La
connaissance par familiarité
« Notre
connaissance peut-être considérée
de deux façons, ou en d’autres termes il
y a deux manières pour nous de parler de “l’objet” de
la connaissance. Ou bien nous usons du langage suivant :
nous connaissons telle chose, tel homme, etc. ;
ou nous usons de celui-ci : nous savons telle et
telle chose sur cette chose, cet homme,
etc. Le langage, en général, obéissant à la
sûreté de son instinct logique, distingue
entre ces deux emplois de la notion de connaissance,
l’une étant [gnonai], noscere, kennen,
connaître, l’autre étant [eidenai],
scire, wissen, savoir. À l’origine,
la première peut être considérée
comme la plus phénoménale, suivant l’expression
dont je me suis servi ; c’est la notion de
connaissance en tant que connaissance directe
ou familiarité avec ce qui est connu ;
notion qui peut être plus proche de la communication
phénoménale ou corporelle, et moins purement
intellectuelle que l’autre ; telle est la
sorte de connaissance que nous avons d’une chose
perçue directement, par les sens, ou indirectement,
sous forme de représentation schématique,
de Vorstellung. L’autre, que nous exprimons
par des jugements et des propositions, et que les Begriffe ou
concepts renferment sans que nulle représentation
d’image ne soit nécessaire, est à l’origine
la notion de connaissance la plus intellectuelle. Il
n’y a aucune raison cependant pour que nous ne
puissions pas exprimer notre connaissance, de quelque
nature qu’elle soit, à condition toutefois
que nous ne l’exprimions pas confusément
des deux manières à la fois, dans une même
proposition ou un même raisonnement. »
John Grote, Exploratio
philosophica (1865), cité par William
James,
La signification de la vérité, une suite
au Pragmatisme (1909), Antipodes, 1998, p. 34.
I
Mon activité de formation, engagée il y a une quinzaine d’années,
n’est pas régulière. Et pourtant la question des rapports
entre le cinéma, la connaissance en général et
la transmission des savoirs est au cœur de mes préoccupations.
Cette activité de formation, je l’exerce — à l’intérieur
de l’Éducation nationale, en étant accueillie dans les classes,
comme « intervenante », — ou en étroite
liaison avec elle, invitée par des institutions ou des associations (chargées
de mettre en place des activités pédagogiques autour du cinéma) à participer à leurs
programmes en direction des enseignants.
Malgré tout, je reste un peu en marge des grandes tendances qui se sont
profilées au cours des deux dernières décennies dans cette
relation complexe entre le cinéma et le monde de l’instruction et
de l’éducation.
Cette place — à côté —,
je l’ai forcément interrogée. Découvrir, comprendre
cet écart a été à coup sûr un des moteurs de
mon travail.
Je me suis donc mise en route pour chercher des pensées, des auteurs,
susceptibles de m’éclairer et de m’aider à repérer
ce qui pouvait motiver (mettre en mouvement) ces divergences. J’ai fait
parfois des rencontres qui me « dépassaient », au sens
où je ne comprenais quasiment rien à ce que je pouvais lire ou
entendre, totalement étrangère à ce qui me faisait face,
tout en étant sûre, convaincue, que cela me concernait.
On a tous vécu ça : on sent que ça nous concerne mais on
est incapable de dire pourquoi. En même temps, c’est ce qui fait
qu’on s’accroche, qu’on tient bon et que l’on continue à lire
ou à écouter ce qui au départ ne se livre pas d’emblée.
Et puis à force de lire, à force de chercher d’autres textes
pour comprendre ces premiers textes difficiles, on s’aperçoit un
jour, que ça y est, « c’est rentré » comme
on dit, même si on ne sait pas comment. Comme si la fréquentation
assidue, la familiarité avait entraîné une connaissance sur ces gestes
de penser — mis en mots : lus — ou mis en paroles : écoutés.
Ce dont il est question dans les lignes qui suivent commence à m’être
familier, mais je suis loin d’être à l’aise. Il y a
le risque, que ce début de familiarité me fasse parfois être
trop elliptique, me fasse aller parfois trop vite. Il y a certains concepts que
je commence à comprendre, et pour en parler je n’ai plus besoin
de refaire tout le raisonnement qui m’a permis d’y arriver. Je risque,
on pourrait dire, d’être aveuglée par cette familiarité.
Alors, il se peut que mon exposé ne s’expose plus et n’offre
plus à ceux qui le liront les points d’ancrages leur permettant
de rapprocher leur propre expérience de la mienne et ainsi de se familiariser
(avec), de s’approprier ce que je cherche à partager, si cela ne
fait pas partie de leur « famille de pensée ».
C’est dire si ce texte appelle, réclame vos lectures et vos remarques
pour s’améliorer et se développer. Comme une bouteille, je
le lance à la mer, mais le geste n’est pas désespéré,
au contraire. J’attends, j’espère qu’il-elle rencontrera,
comme les bouteilles tibériennes de mon Controtempo,
des courants et des contre-courants lui faisant connaître de multiples
tourbillons.
II
Début 2005, les Cinémas
indépendants parisiens m’ont demandé de participer à deux
formations destinées aux enseignants : la première, « Enseigner
avec le cinéma », inscrite au plan académique de formation
de l’IUFM de Paris; la seconde, « Pratiques pédagogiques
autour du cinéma en milieu scolaire », dans le cadre du dispositif
national Collège au cinéma.
J’ai proposé à Isabelle Laboulbène, responsable des
actions pédagogiques des CIP, de revenir sur un atelier qui avait été mis
en place, avec le soutien de l’association, dans une classe de CM1 de l’école
Glacière à Paris (13 ardt) en 2003. Il me semblait que le déroulement
de l’atelier pouvait contribuer à nourrir le travail de réflexion
sur la place du cinéma en milieu scolaire.
Pour cela, nous bénéficions d’un atout puisque nous pouvions
nous appuyer sur une partie du discours produit par les élèves,
principalement sous forme d’écrits et de dessins, ainsi que via
la transcription d’un échange de paroles, lors d’une séance
au sein du groupe (formé par les élèves, le maître,
Jean-Charles Authiat et moi). Tous
ces documents, consultables sur le site d’Ouvrir le cinéma, étaient
en outre déjà accompagnés d’une description précise
des six séances et d’une première analyse effectuée
pour l’équipe enseignante de l’école, à l’occasion
d’une semaine de formation à l’image (organisée par
l’inspection académique du 13e arrondissement de Paris en 2004).
Pour trouver un nouvel angle du vue sur cet atelier intitulé « Au
commencement était l’image », c’est le
titre même du premier stage des CIP qui m’a stimulée : « Enseigner
avec le cinéma ». Je me suis intéressée
plus particulièrement à la place de l’avec,
cet adverbe qui unit une fonction l’ « enseigner » à un « objet »,
le cinéma.
À partir de là, il me sera possible d’aller vers la Pédagogie
institutionnelle pour lui emprunter certains de ses outils conceptuels
et de tenter de mettre en évidence, laisser apparaître, ce qui s’est
joué dans l’atelier et en quoi cela peut nous être utile pour
une réflexion plus large. Mais n’allons pas trop vite…
Pour mémoire
« Au commencement était l’image » s’est
déroulé en six séances de deux heures trente chacune réparties
sur le premier trimestre 2003. Elles ont toujours eu lieu l’après-midi,
de 13 heures 30 à 16 heures, intégrant donc la récréation
et laissant au maître une demi-heure pour « clore » la
journée de classe.
Il faut souligner que j’ai déjà été accueillie
plusieurs fois à l’école Glacière, dans le cadre des
actions pédagogiques des CIP au cours des années précédentes,
et même plusieurs fois au sein des classes dont Jean-Charles Authiat a
eu la charge.
Je suis à l’initiative de cette intervention : c’est
justement pour bénéficier de cette confiance réciproque
qui s’était développée dans les interventions précédentes
que j’ai exprimé à Isabelle mon souhait de retravailler avec
Jean-Charles, si cela pouvait se faire.
En effet, le dossier de l’atelier n’était pas « bouclé » pour
la première séance. J’avais besoin de commencer pour qu’il
se précise. Les hypothèses de départ étaient là,
mais par exemple le nombre de séances n’était pas strictement
déterminé, le choix des exercices à proposer aux élèves était
sujet à modifications, à transformations, en fonction de ce qui
allait se passer en début d’atelier.
Ce n’était donc pas un atelier clé en main :
tout n’était pas écrit dans le dossier initial. Dans ces
conditions il semblait difficile d’intégrer le projet à un
ensemble de propositions pédagogiques clairement répertoriées
et soumises aux instances habituelles plusieurs mois à l’avance.
Cela pouvait également être délicat de convaincre un enseignant à partir
d’un dossier incomplet, avec pour seul argument : il faut commencer
pour voir ce que ça donne.
C’est donc pour cela que j’ai suggéré que l’on
propose l’aventure à nouveau à Jean-Charles. Nous nous sommes
vus plusieurs fois, tous les trois. Il fallait que Jean-Charles se sente intéressé par
le projet, qu’il apporte son point de vue mais aussi la connaissance de
ses élèves. Au fil de ces rencontres, le projet a subi quelques
modifications, puis il a été présenté au directeur
de l’école, M. Servant, qui a donné le feu vert.
Ainsi, avec le soutien des CIP et celui de mon association Ansedonia,l’atelier
a pu exister. L’année suivante, en 2004, comme je l’ai dit
plus haut, j’en ai présenté une première analyse à l’équipe
enseignante de l’école, donc en présence du maître
en charge de la classe, Jean-Charles Authiat.
Pour cette première intervention, j’avais privilégié l’analyse.
L’analyse, c’est la décomposition d’un tout
en ses parties : ça simplifie quelque chose de compliqué mais ça
ne fait pas forcément comprendre quelque chose de complexe (et
la vie de la classe, comme toute situation humaine, est quelque chose de complexe).
Ma présentation de l’atelier respectait le découpage temporel
en six séances, et j’insistais sur l’enchaînement des
faits, des dispositifs ou exercices mis en place. En introduction, j’avais
présenté très rapidement ce qui formait sa structure « théorique »,
ce sur quoi il reposait.
Aujourd’hui, je vais, pour ainsi dire, faire l’inverse : je
vais développer davantage les questions de méthodes, les articulations
théoriques, pour insister sur ce qui structure l’atelier en rappelant
les événements ou les situations à partir desquels j’ai
pu dégagé un certain travail « théorique ».
Il va donc y avoir à la fois de l’ « abstrait » — les
repères structurants — et du « concret » — des
récits, des présentations de textes ou de dessins d’élèves.
s