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le livre impossible
Nous avons commencé par visionner un extrait de l'abécédaire de Gilles Deleuze : Q comme question
ENREGISTREMENT DE LA
SEANCE
Annick
Qui commence ? …
Je fais une petite parenthèse
: aujourd'hui il ne s'agit pas de faire le bilan de cette
année. Pour une question d'organisation.
Françoise G.
La dernière fois, j'ai le sentiment de ne pas avoir
bien expliqué ce que je voulais dire. J'avais dit
: les textes, j'arrive pas à les lire, il y en a
trop ou bien c'est trop difficile de les lire, seule aussi,
parfois. C'était résumé comme ça.
Alors que moi ce que je pensais plutôt, c'est que,
comme tu disais, les textes et les films que l'on voyait,
c'était — à égalité. Et
je trouvais que par rapport à ces textes, ça
aurait été bien de les travailler ensemble,
ici aussi, comme les films où on travaille après,
on essaie de poser des questions des interrogations plutôt
(sourires).
J'ai repris le texte sur le projet
Jack Lang, que tu as donné au début, avec
l'intervention de Bergala et de l'autre femme. Ce sont deux
optiques différentes et je trouve que c'était
intéressant sur comment aborder le cinéma
dans l'Education nationale. Et puis, il y avait Godard répondant
après le film de Miéville aux questions des
étudiants. Et ce qu'il dit. Tout ça, c'est
tellement riche … Et je me disais que nous par rapport
à ça, je me disais qu'il faudrait peut-être
un moment de discussion, qu'on y réfléchisse.
Annick
Là on est “hors sujet” par rapport au thème
que j'ai proposé pour aujourd'hui. On est déjà
dans le bilan. C'est pas une question. Visiblement, je ne
me suis pas bien expliquée. Il y a une grande différence
entre certains textes que je vous ai donné comme
ceux de Legendre, Benjamin, etc. qui sont des textes à
travailler, et certains autres comme celui des Cahiers
du cinéma.
Il y aurait des tas de choses à
dire sur ce que pense Alain Bergala, ce que pense cette
femme l'objet d'Ouvrir le cinéma, il n'est
pas là. Il est beaucoup plus “théorique”
que ça : on a tiré des fils sur le rapport
à la connaissance, et il faut qu'on les travaille.
C'est à partir de ça qu'on va, petit à
petit, définir la position que j'essaie par rapport
à l'anthropologie, etc. et qu'on pourra, à
la dernière séance, la comparer avec ce que
dit Bergala et ce que dit cette femme. Mais ici, justement,
on n'est pas dans une discussion : Le projet n'est pas du
tout là.
Françoise G.
Pour conclure, c'est pas pour avoir leur pensée à
eux deux, on s'en fout un peu, mais que c'est une base pour
se questionner nous. Je songe aussi : est-ce qu'on en aura
fini la fois prochaine ? définitivement ? On n'a
pas parlé de ça, ou bien est-ce que cet atelier
reprendra sous une autre forme, en se prolongeant par d'autres
travaux Dans ce questionnement-là, je me dis que
sur “Cinéma et Enseignement”, sur le rapport
à l'image, aux enfants, ce qu'on en pense, au fil
de toutes ces interrogations qu'on a eues ici et comment
on l'envisage …
— arrivée Maryvonne —
Ça m'a relancée sur ce questionnement-là qui est de fond,
ici, quand on parle de cinéma et de nous-même. Toute la démarche
qu'on a …
Annick
C'est très compliqué parce que les choses sont toujours emmêlées.
Dans ce groupe, c'est pas vraiment
“cinéma et enseignement” — c'est
plutôt
“cinéma et connaissance” —. Quand
on prend “cinéma et enseignement” je
me suis rendue compte qu'il y a très vite des traquenards,
que l'on n'arrive plus à s'en sortir. C'est un travail,
d'une certaine façon, à la fois concret et
théorique : on part de choses concrètes,
des textes ou des images, et on se pose la question du
cinéma par rapport
à la connaissance. On a tiré certains fils
: on aurait pu en tirer d'autres. Il ne faut pas vouloir
en tirer 15. Si déjà on arrive cette année
à en tirer un ou deux, que l'on pose certains jalons
et que chacune d'entre vous, dans son vécu personnel,
associatif ou institutionnel, peut en faire quelque chose
C'est ce que je voulais dire en parlant de la part “intime”
: c'est le cheminement qui compte, et le but, vous concerne,
vous, intimement, personnellement.
J'insiste, au risque de paraître trop rigoureuse et autoritaire : on est
là pour tirer des fils, vraiment des fils de pensée et pas seulement
des problèmes — je ne voudrais pas que ce soit interprété d'une
mauvaise façon —
“sociologiques”. C'est vraiment un groupe de
travail, avec des problèmes de pensée. On
a regardé
Deleuze par rapport à la question, puisque j'avais
le sentiment que je n'avais pas tellement été
claire par le fait de dire : “on pose des questions”.
Je ne cherche pas à ouvrir un débat,
on n'échange pas des opinions. Je trouvais
que c'était peut-être le moment, presque à
la fin, d'écouter Deleuze s'exprimant sur la différence
qu'il fait entre question et interrogation.
Effectivement, je sens qu'il y a un
énorme besoin chez vous de clarifier votre situation,
telle qu'elle est. Or le sujet d'Ouvrir le cinéma,
il n'est pas là : c'est ce que j'appelais “sociologique”.
Françoise G.
Annick, tu comprends pas ce que je veux dire. Je ne veux pas du tout quelque
chose de directement … C'est plus une réflexion Ouvrir le cinéma pour
les enfants, je ne sais pas comment dire …
Annick
C'est pas le sujet du …
Françoise G.
Réfléchir. Parce que ça arrive par la marge de plein de
façons …
Annick
Françoise, ici, on tire deux ou trois fils et c'est tout. Effectivement,
il y a 50 fils à tirer et c'est
à vous de les tirer ailleurs. On ne peut pas sinon,
c'est bordélique J'ai tellement assisté à
des choses où on dit tout et rien, il faut absolument
… on a tiré des fils, par exemple, sur l'identification.
On a commencé à tirer un fil sur la question
de l'intérêt, un troisième sur le rapport
entre la pensée du film et la pensée du spectateur.
Voilà les trois fils tirés, et malheureusement,
il y a des choses dont on ne peut pas parler.
A chaque fois, par exemple, les textes que Maryvonne nous a communiqués
la dernière fois, je les ai relus en fonction de ces fils-là. J'aurais
pu les lire de cinquante six façons, mais je les ai relus — c'était
des textes que je connaissais — en fonction de ce qu'on a déjà
travaillé. Ce qui m'a frappé, c'est quand
Deleuze dit que tout créateur a besoin, quand il
crée, c'est qu'il a besoin. Comme on avait déjà
tiré ce fil de l'intérêt ce qui m'a
intéressé — cette fois-ci, dans cette
lecture-là — pas dans une lecture d'il y a
deux ans — c'était par rapport à tout
ce qu'on avait dit de l'intérêt. Ça
me fait venir une idée : on est tous “créateur”,
à un moment donné. Il faut avoir besoin de
quelque chose même par exemple, votre présence
ici vous savez peut-être — je dis vous, mais
ça pourrait être ceux qui ne sont pas là
— ceux qui ont eu envie de venir ici, il y a une
différence entre envie de faire quelque chose et
en avoir besoin immédiatement.
Parmi vous toutes, il y a des envies différentes — ce sont vos envies
intimes, vous n'avez pas forcément à les exprimer —
mais il y en a une qui a pratiquement, concrètement,
un intérêt, c'est Valérie. Valérie
a demandé un PEA, et elle se sent un peu sur du
coton parce qu'elle va avoir un intervenant dans sa classe,
qu'elle est une jeune instit … Elle a un réel
besoin — et c'est peut-être du fait de ce besoin
lié à une situation concrète, qu'elle
a peut-être plus accepté certaines choses
ou qu'elle a joué le jeu plus facilement que d'autres
pour certains aspects de notre travail.
Je comprends tout à fait ce que tu dis, mais je suis désolée,
le texte des Cahiers du cinéma, je ne veux pas le discuter ici,
sauf si, quand on boira le champagne, à la dernière séance,
quand on se mettra à discuter effectivement de ce qui était en
jeu ici — ce sera tout de même sérieux — par rapport à toute
une doxa.
Pour l'instant, il y a un travail plus sérieux à faire, parce qu'il
ne se fait pas
…
Françoise G.
Comme j'ai dit des choses qui étaient un peu brut de décoffrage,
pas forcément adaptées au moment, tu penses que …
Annick
Peut-être que les autres peuvent nous aider à
…
Françoise G.
Tu n'as pas bien compris pour moi, ça va en droit fil …
Françoise L.
Moi, je suis carrée, j'ai mon truc, je veux pas en sortir, je suis dans
mon chemin et j'ai peur de paumer …
Françoise me tire des choses … je veux restée
concentrée, j'ai peur de …
Françoise G.
Ce que je pense, ce que je sens … C'est vrai que chacun suit ce travail à sa
manière et qu'il y a des chemins inattendus, mais c'est super. Ça
cahote complètement et puis je reprends un truc, ça me fait penser à autre
chose …
Annick
C'est fait pour ça …
Françoise G.
C'est très bien. Mais ce que je pense c'est qu'on n'a plus qu'une fois
et je me dis que moi j'aimerais bien que ce travail se prolonge et, entre autre,
j'ai cette interrogation-là, où je me dis : j'aimerais penser aussi
pour moi, c'est dans le droit fil de ce qu'on fait là
. Et puis j'ai lu ce texte. C'est vrai qu'il m'a fait réagir …
Annick
Quel texte ?
Françoise L.
Ce texte sur l'Enseignement. J'ai l'impression que c'est des jugements que j'ai
entendus dix fois et qui ne font pas avancer du tout.
Annick
C'est pour ça que je ne veux pas en discuter ici. C'est un texte de media,
c'est pas un texte de travail.
Françoise G.
Il y avait d'autres choses à dire, et ça me
semblait important …
Annick
Mais je ne veux pas en parler maintenant. C'est une question
d'organisation.
Pour ce projet je demandais des gens
disponibles sur un an. J'ai opté pour six réunions
pour que ça ne soit pas trop, trop demander, justement.
Ce sont donc des personnes différentes tous les ans.
Je demandais des gens qui soient, qui arrivent à
s'impliquer, — et à renoncer de s'impliquer
ailleurs, éventuellement, c'était un choix,
— sur une année, et je sais très bien
que ce que je demandais était lourd et qu'on ne peut
pas s'engager comme ça tout le temps. Je me rends
compte qu'il peut y avoir un désir de prolonger autrement
les choses, — mais pas dans ce groupe de travail.
Je me demande … il y a la question
subsidiaire … j'en ai un peu parlé tout à
l'heure: théoriquement, je voudrais des étudiants.
Je suis en contact avec certains chercheurs pour ça,
pour qu'on ne parte pas trop facilement dans 'cinéma
et enseignement' mais 'cinéma et connaissance'. Sauf
que, et ce qui m'y a fait pensé, c'est la fin de
la dernière réunion, où il était
évident que vous avez un besoin, là, c'est
un besoin, — envie et besoin — de parler d'autres
choses, que du cinéma, qu'il y a, sans arriver sur
des choses très personnelles, il y a un besoin effectivement
de parler cinéma et votre pratique d'enseignement.
Or, l'objet ici, c'est cinéma et connaissance …
Je me demande, s'il n'y a pas à
créer un autre groupe.. Je sens bien qu'il y a un
besoin d'autre chose que je n'arrive pas bien encore à
formuler et qui pourrait se faire dans la prolongation de
ce premier groupe.
Maryvonne [à Françoise
L.]
Qu'est-ce que tu voulais dire Françoise quand tu
disais que tu étais dans ton truc ?
Françoise L.
Je suis … Je n'ai pas été une bonne
élève dans mon jeune âge mais devenue
grande je le deviens. Annick avait dit : “On
a dix minutes chacune la parole”, je prends ma montre et
je prends dix minutes.
Annick
Ça n'empêche pas que tu pourrais communiquer
avec une autre intervention …
Françoise G.
J'ai du mal …
Maryvonne (à Françoise
G.)
Et toi, c'était dans l'ordre de tes dix minutes que
tu parlais ?
Françoise G.
Pas du tout!
Annicket Françoise
L.
Ah si j'ai cru …
Maryvonne
Je suis arrivée et je suis sûre que non …
Annick
J'ai posé la question : “Qui commence à
intervenir ?”
Françoise L.
Voilà!
Annick
Et c'est vrai que j'ai dit : on est hors-sujet. Théoriquement,
tout ça, c'est une discussion pour la prochaine fois.
Maryvonne
Tu l'as dit avant que j'arrive ou depuis que je suis là
?
Françoise G.
On peut parler un petit peu quand même …
Annick
Bien sûr et c'est pour ça que je t'ai laissé
parler …
Françoise G.
Entre autre de savoir le devenir pour l'an prochain, ce
qui va se passer, on l'a jamais vraiment dit …
Annick
Non, mais ça, j'aurais voulu en parler, à
la fin, à la dernière séance …
Françoise L.
C'est ce que j'ai compris …
Françoise G.
Je suis désolée, je suis toujours à
contre-temps …
Françoise L.
C'est vrai que le temps c'est vachement important …
Annick
Reconnais Françoise que je t'ai laissé parlé
pour te dire après que c'était “hors
sujet.” Tu en avais besoin. C'est pour ça que j'ai
répondu quand même à ta question pour
l'année prochaine …
Maryvonne
Pour moi qui suis arrivée en retard, j'ai entendu
30 secondes Françoise et toi [Annick], je
t'ai entendue 1/4 d'heure. Et ton 1/4 d'heure, je l'ai un
peu là [M. met la main en travers de la gorge].
Annick
Vous voyez, je n'ai pas de feuilles, je n'ai rien préparé.
J'étais prête à vous écouter,
mais j'ai dû remettre les choses au point. Je suis
désolée. Alors, je vous écoute …
Françoise L.
C'est compliqué : ou on joue le jeu, enfin …
Annick
C'était dix minutes par personne sur …
Françoise L.
Voilà, j'ai retenu ça.
Françoise G.
Moi, c'était un préambule. On est là,
on n'est pas quand même …
Françoise G.
Je lis ce que j'ai écrit ?
Annick
Oui.
Françoise L.
Ah, bah, voilà! …
Françoise G.
A l'issue de la vision du film de Van der Keuken Vacances
prolongées l'autre soir sur Arte, j'ai pensé
à l'atelier cinéma et aux films, vus dans
les deux dernières séances, de Mekas, Godard
et Che ci importa della luna, ainsi qu'au film d'Annick.
Une association dans un sentiment de parenté, de
regroupement. Comme si le film de Van der Keuken avait servi
de catalyseur et j'ai repris le texte de Walter Benjamin
que j'avais lu avant mais sans trop bien …
“La place qu'occupent les
productions intellectuelles dans le patrimoine historique
n'est pas toujours déterminée uniquement,
ni même toujours principalement, par leur réception
immédiate. Au contraire, leur réception est
bien souvent indirecte et s'effectue par l'intermédiaire
de productions d'autres auteurs — précurseurs,
contemporains, successeurs —, qu'une affinité
élective lie à leur créateur.”
Je me suis rendue compte que pour faire
le lien avec les autres films, ce film de Van der Keuken
m'avait beaucoup parlé. L'entrée dans le film
est facilitée par son propos donné d'emblée
: la maladie et son issue annoncée. Le regard sur
le monde, encore. Filmer, pour Van der Keuken, c'est être
vivant jusqu'au bout. Avec dans ce moment de sa vie, l'obligation
de penser sa mort, la mort — elle a donné aussi
à voir dans ce dernier voyage. La question vitale
de la mort et de la disparition, de l'oubli et du souvenir
de la trace laissée. Par soi, en tant que cinéaste,
et ces gens filmés, ces lieux qui échappent
à l'oubli et entrent dans une mémoire collective.
Pour moi, ça s'associait avec des passages du film
de Mekas, sur le cirque, entre autre, ces images tremblées,
chahutées, entremêlées, qui rendent
compte de moments de spectacles du cirque dans sa précarité
temporelle et spatiale et ce ramassé de vies, de
couleurs, de mouvements. Travail de mémoire et de
trace, qu'est le journal intime par excellence, traité
par Mekas d'une manière qui peut paraître des plus
elliptique et où s'inscrit cependant une sorte de
mémoire collective où chacun peut puiser.
J'ai pensé au commentaire de Françoise
L. à qui ça avait parlé, et puis
à une mémoire collective ou une mémoire
plus individuelle comme ces visions de cirque.
Je termine par une phrase de Van der
Keuken qui clôt un documentaire fait sur lui, il y
a plusieurs années. J'ai lu ça dans Télérama
:“Et le vide demeure”. Dans cette phrase je verrais
le désir encore et toujours de faire du cinéma
et un lien de parenté entre tous ces films.
Annick
C'est l'idée qu'un film vu ultérieurement
te fait recevoir les autres différemment que la première
fois ?
Françoise G.
Que ça organisait pour moi différemment la
vision des 3 autres films, alors que les propos sont complètement
différents. Pour moi ce — le rapport à
la mémoire c'est une évidence, mais en même
temps, ça me semble plus à creuser que ça,
quant à comment chacun traite ça et de l'urgence
à donner …
Annick
… sauf que la mémoire, quand on prend les films
qu'on a vus, ils la travaillent d'une façon quand
même assez pertinente, donc ça n'est pas si
bateau que ça si on essaie à partir de ce
que tu relèves — la question de la mémoire
— si on prend, effectivement, Mekas, c'est au niveau
de la sensation, qu'est-ce qu'on a, qu'est-ce qui nous reste
dans notre mémoire — dans les souvenirs, ce
serait plutôt le souvenir. Si on repense à
une image de cirque, une sensation intérieure, et
ce que, visuellement, en fait Mekas.
Si on prend Che ci importa della
luna, il y a la question de la mémoire sociale
: l'invention du cinéma, l'alunissage …
Françoise G.
C'est une mémoire collective et individuelle mêlées.
Remettre tout ça sous le signe de la mémoire
et de la trace. Il y avait pour moi une urgence …
les formes étaient excessivement importantes. Elles
exerçaient une liberté de la pensée
sous différentes formes justement, mais, à
la limite, c'était pas … que la forme n'était
pas des plus essentielles. Cela pouvait emprunter plusieurs
formes. C'était un travail d'écriture qui
s'imposait mais que … j'arrête parce que je
dis n'importe quoi …
Annick
Non, et ce qu'il faut faire c'est tirer, prendre le mot
mémoire et voir comment, pour chaque film, revenir
toujours au concret. C'est un type de travail possible:
on reprend les 4 films qui ont été plus ou
moins appréciés et on repère comment
chacune visuellement, on ne peut partir que de la forme,
comment visuellement et auditivement on sent que la mémoire
travaille le film. Ça peut être par l'intermédiaire
du sujet. Les usines Lumière, par exemple, c'est
à la fois de la forme et le sujet : à la fois
le plan mythique et un plan du passé on peut regarder
dans mon film en quoi on peut dire ça travaille de
la mémoire, en dehors du fait que c'est un film que
j'ai fait en 97 et qu'on est en 2001. On peut peut-être
par ce fil-là essayer de repérer où
ça se joue à chaque fois. C'est pas évident.
Peu à peu si on creuse, on verra des choses plus
subtiles mais c'est un vrai travail.
C'est ce genre de travail qui serait
à mon avis beaucoup plus riche que de faire ce qu'on
fait en général, de l'analyse filmique (on
prend un film, et on analyse le film). C'est plus intéressant
de prendre quatre films aussi différents, et de travailler
la question de la mémoire et du souvenir : on pourrait
dire que le souvenir c'est quelque chose de conscient, ça
revient, et la mémoire, ce serait notre stock mais
qui ne ferait pas forcément surface, et qui quand
même nous travaille et du coup va, si on peut dire,
“achopper” à la conscience par des manifestations
de pensée, visuelles Qu'est ce que ça serait
les souvenirs conscients : on voit un film sur le cirque
et d'un seul coup, qu'est-ce que ça déclenche
Et puis d'¡tre attentifs à tout ce qu'on dit pour
voir Tu dis : «Je dis n'importe quoi.» Non,
tu ne dis pas n'importe quoi.
Françoise G.
Parce que ce n'est pas élaboré j'arrive pas
à penser et parler en même temps il faut que
j'écrive et après …
Annick
Ce que je voulais dire, justement, c'est quelque chose que
tu ne contrôles pas. Il est évident que tu
ne dis pas n'importe quoi et ce que tu exprimes, c'est exactement
la manifestation de que je voulais dire : des choses qui
nous “travaillent” Tu as dit ça et pas autre
chose. Ce qui est intéressant c'est de reprendre,
repartir de ce que tu as dit et d'ouvrir, parce que ça
peut ¡tre mis en relation avec d'autres choses dans ton
sentiment de dire “je ne sais pas ce que je dis, je
dis n'importe quoi”. C'est là que ça devient
intéressant. C'est quand les choses ne sont pas forcément
maîtrisées ni contrôlées
Françoise G.
Oui, il aurait fallu que je reprenne chaque film et repenser
à chaque fois. Dans une démarche collective,
ça peut être intéressant …
Annick
C'est un exemple de piste. Ça peut ¡tre une piste
pour le travail avec vos élèves : arriver
à trouver une autre façon d'aborder les films
autrement que par l' “analyse filmique”.
J'ai assisté récemment
à une conférence sur un film d'aventure américain.
Le conférencier avait choisi de travailler à
partir de Nietzsche, sur la dialectique, la tension, la
polarité : il n'y a pas les bons d'un côté
et les méchants de l'autre, la nature idyllique et
la nature sauvage, barbare, mais une tension entre deux
polarités. Sauf que, il a fait une analyse du film.
Il a étudié en quoi il y avait de la dialectique
au niveau des thèmes relevés dans le film
(jeunesse/vieillesse, sauvage/civilisé, etc.) puis
dans un second temps au niveau formel (rapports de plans,
etc). En même temps, il s'excusait constamment sur
le fait que son intervention, organisée, ne reflétait
pas le film qui joue vraiment cette tension, cette dynamique
de la dialectique. J'ai été très sensible
à ces excuses répétées. J'en
ai parlé plus tard avec lui et je lui ai demandé
si on ne pouvait pas trouver une façon d'aborder
les films qui ne détruirait pas la force du film.
Je pense qu'il y en a un qui a trouvé un moyen, c'est
Didi-Huberman, dans le domaine de l'histoire de l'art. C'est
le problème de l'analyse. L'analyse, ça dissèque
les choses, ça repère les éléments
constitutifs, mais ça n'invente rien : ça
ne repère que les éléments qui sont
contenus dans l'objet qu'on analyse
Clémentine
Oui, mais en fonction de notre culture mentale on ne dissèque
pas de la même façon!
Annick
Là où je voudrais en venir, c'est que même
dans un travail de pensée, et même quand
on veut aborder un film, je pense qu'on peut ne pas partir
tout de suite de l'analyse, mais plutôt de la synthèse :
prendre des choses, des éléments épars,
et les questionner, pour ne pas annuler cette dynamique.
Ce conférencier dit que le film est d'une dynamique
folle mais que son discours l'annule.
Il ne faut pas
partir de l'analyse il faut trouver d'autres façons.
Ici, on regarde quatre films, et puis
tout à coup, il y a cette question de la mémoire.
Effectivement un peu comme j'avais repéré
la question du blanc … là, on pourrait prendre
les quatre films et les travailler ensemble par rapport
à mémoire/souvenir.
Déjà il
faut se poser la question : c'est quoi la mémoire
? c'est quoi le souvenir ?
Il y a déjà un
travail philosophique, psychanalytique, à faire pour
pouvoir utiliser ces mots dans toute leur force.
Et puis après, et ça
peut se faire avec tous les âges, — il suffit
de se mettre à la hauteur de ceux qu'on a en face
de soi —, ça peut être une façon
d'aborder les films sans les réduire à …
Après on peut éventuellement faire de l'analyse
filmique mais pas tout de suite.
Trouver à partir de discussions
qui sont peut-être hors cinéma. Je vous donne
le texte de Benjamin sur la question de la transmission
et des affinités électives. Françoise
voit le film de Van der Keuken : elle fait un lien entre
les deux et ça la renvoie aux films qu'on a vu avant.
Et du coup ça ouvre une porte sur le fait de travailler
les films autrement qu'en les disséquant par l'analyse.
Françoise L.
Pour moi la 4e séance a été un tournant.
J'ai mis sur mon papier le mot : besoin. Besoin de relire
le document que tu nous avais remis au départ.
Et le fil que j'ai tiré c'est
le mot “intérêt”. Je trouve que c'est
un moteur très fort, et c'est un moteur aussi dans
l'acte pédagogique. D'ailleurs, pour moi, l'acte
pédagogique, c'est une création, c'est un
acte créatif. Les gens acceptent difficilement qu'on
dise qu'un acte pédagogique peut être un acte
créatif mais moi j'y tiens. A chaque fois, ça
suscite des réactions épidermiques, c'est
intéressant.
Pourquoi “intérêt”
? Ça m'a rappelé le mot “motivation”,
“curiosité”, parce que dans les années
70/80, on a bossé comme des fous sur : c'est quoi
la motivation ? Qu'est-ce qu'il faut en faire ? J'ai repris
le texte de Nietzsche quand il dit qu'il faut avoir un “œil
plus neuf et “laisser venir à nous”, apprendre
à voir, c'est laisser les choses venir à lui.
Ça a l'air de rien, mais que les choses “viennent
à” …
C'est totalement personnel et intime
: je fréquente pas mal des expos, tous genres, tous
styles, et je me dis : serais-je plus disponible, ouverte,
aux arts plastiques, — après avoir vécu
ce qu'on a vécu ensemble — qu'au cinéma
? J'ai l'impression que quand je vais voir des choses fort
différentes, choquantes je me “pose”. Je prends
du temps. Et je laisse “aller”, comme il dit Nietzsche.
Au niveau du cinoche, comme ça va vite, peut-être,
j'ai l'impression que je ne peux pas me poser pareil. Je
me laisse moins aller, je laisse peut-être moins les
choses “venir à” …
Annick
Tu n'es pas allée plus loin dans cette constatation ?
Françoise L.
Je vais retourner voir des expos, pour voir comment ça se passe!
Annick
Ce sont des films qu'il faudrait voir pour “tester”. Si on a le temps,
je vais te “tester”, tout à
l'heure
Françoise G.
Dans les expos tu as des films j'ai vu beaucoup de films d'Andy Warhol, par exemple,
où vraiment je te dis franchement, je pète les plombs, alors que
je vois des installations où les gens se tirent et moi je me pose, je
laisse aller, je laisse venir une installation, tu peux rester une heure devant …
Annick
Tu parles d'installation avec des images mouvantes ?
Françoise L.
Parfois oui, parfois non.
Françoise G.
Ce que tu dis, j'y ai pensé sur la façon de découvrir quelque
chose qui t'es totalement étranger. Et je me disais : c'est vrai par rapport à une “œuvre,
une peinture, quelque chose qui n'est pas en mouvement justement, tous les éléments
sont statiques, tu as plus de temps pour t'en pénétrer et essayer
de décrypter au fur et à mesure. Je me disais, un film, souvent,
on a la mémoire tellement volatile que c'est bien plus multi-sens, il
y a plein d'informations qui t'arrivent au fur et à mesure et que c'est
bien plus difficile d'engranger tout ça et d'avoir une vision un peu globale.
Alors que l' “œuvre”, elle est là. Tu retrouves toujours
tes éléments, tu as le temps de te promener à l'intérieur.
Annick
Tu n'as pas lu le premier texte de Benjamin, parce que c'est exactement ça
la question de la “distraction”
et du “recueillement”. Ce que tu décris,
c'est ce qu'il décrit en 1936, effectivement. Le
film qui va trop vite par rapport au spectateur. C'est
quelque chose que chacun peut constater Benjamin parle
de “présence d'esprit” …
…
Françoise G.
Et la mémoire …
Annick
Oui, avec la“ présence d'esprit”, la mémoire est convoquée …
Françoise G.
Un flot de sensations, d'impressions qui t'arrivent, c'est difficile …
Annick
C'est un des trois fils qu'on a tiré cette année. Avec les enfants
c'est hyper important cette histoire-là. Ma proposition de “changer
de braquet”, vient de là. Comment s'adapter à des rythmes
différents. Avec certains films on est complètement largués
et puis pour d'autres, il y a des rythmes où c'est trop lent. On a d'un
seul coup trop de temps pour jouir de nos associations de pensée et on
ne le fait plus parce qu'on est tellement habitué à ce que le film
nous dicte son rythme.
Françoise L.
Peut-être que des enfants réagiraient autrement, nés avec
l'image j'en sais rien …
Valérie
Par rapport à la vitesse, ils réagissent pas mal, mais c'est par
rapport …
Annick
C'est l'exemple de la petite fille que j'avais au MNAM et qui trouvait que c'était
toujours pareil : face à
l'image de la cire tombant au creux de la main. Bien sûr
que c'était pas toujours pareil, mais pour elle ça
l'était … Les enfants sont dans la vitesse.
C'est la citation de Jean Epstein par rapport à son
film La Belle Nivernaise. Si Epstein repère
une différence entre 1924 et 1929, à plus
forte raison maintenant …
Là, il y a quelque chose à
faire — je n'ai pas d'idée pour l'instant —
et qui pourrait avoir un retour sur les arts plastiques
en général, sur la peinture. Je pense beaucoup
à Giacometti. C'est mon fils qui m'a fait découvrir
ça. Devant un tableau de Giacometti, les gens restent
15'', 20'', une minute ! Pour lui, c'est au bout de cinq
minutes qu'on commence à voir un tableau de Giacometti.
D'un seul coup, un tableau de Giacometti devient un magma,
une mouvance de plans. il faut au moins 5 minutes pour
que ton regard et ta pensée entrent dans le tableau.
J'ai fait l'expérience, et c'est vrai. Après
j'ai revu des tableaux de Cézanne et pour la première
fois j'ai compris ce que ça voulait dire quand on
dit que l'air vibre dans un tableau de Cézanne,
et je ne l'avais jamais éprouvé.
J'ai l'impression que sur cette histoire de “contemplation, recueillement,
distraction”, il faudrait, avec les élèves, travailler à
la fois le cinéma et les arts plastiques. Mais il
faut d'abord partir de nous, ressentir ce que c'est que
la contemplation dynamique — parce que lorsqu'on
reste 5 minutes devant un tableau de Giacometti, c'est
de la contemplation dynamique. Ça m'énerve
quand on dit qu'on est passif dans la contemplation!
Donc, travailler le cinéma dans des films “lents” ou “rapides”,
comment, intérieurement, ça se joue …
Mireille
Tout ce que ça met en œuvre …
Annick
C'est pour ça que ça m'ennuie beaucoup qu'on fasse un enseignement
artistique par j'allais dire : par
“discipline”, par “art”: ça
cloisonne, ce qui est important c'est …
Françoise L.
… Le débordement …
Annick
… comment on le reçoit …
Valérie
En même temps, ça s'adresse plus au niveau du secondaire, parce
que le primaire …
Françoise L.
Sauf que, il faut bien le dire, on a des PVP [1] bien
précis qui arrivent à telle heure et tu as l'instit qui
s'en va dans un coin corriger ses cahiers, je m'excuse de le dire et l'instit revient
une heure après avec ses cahiers : c'est pas ça qu'on devrait vivre.
On devrait vivre une collaboration, quelque chose qui se passe. C'est très
rare qu'il y ait osmose et si on veut que ce soit transversal il faudrait déjà que
cette personne qui est soi-disant spécialiste, elle se retrouve pas seule.
A priori, normalement, dans les textes, l'enseignant, il est là.
On peut préparer : c'est une question de volonté
Annick
On tire encore un autre fil : la transversalité …
Valérie
Ce qu'a dit Françoise c'était pratiquement la conclusion de ce à quoi
je voulais arriver aussi.
Ce qui m'a un peu étonnée : je pensais qu'il y aurait plus, dans
nos … découvrir plus de liens entre le cinéma et les arts
plastiques. On est pas allées sur ce terrain-là alors que ça
me paraissait presque une évidence. Et je ne l'ai pas ressenti. C'est
arrivé à
la fin avec Mekas, finalement. Ça a été
long. Je l'attendais plus vite.
Annick
Oui, parce qu'il y a un grand danger, quand même …
Il y a eu “cinéma et politique”, “cinéma
et psychanalyse”. C'est pas suffisant de faire “cinéma
et arts plastiques”. On va risquer de retomber dans
quelque chose de rigide. Il faut arriver … A la limite,
il faut partir de “cinéma et pensée”
Je viens de relire un texte de Giorgio Agamben, un philosophe italien, qui s'intitule “notes
sur le geste” où il finit par dire : entre le cinéma et la
philosophie, il y a quelque chose qui se passe. Et c'est pas du tout de dire être
philosophe c'est comme lorsqu'on dit que dans nos neurones on a quelque chose
qui nous prédispose à recevoir l'héroïne. Il y a je
ne sais quelle substance qui est “complémentaire”
avec les stupéfiants et qui fait que “ça
accroche”, c'est pour ça qu'après il
y a de l'addiction parce que ça marche tellement
bien par rapport à des choses de notre cerveau.
Il y a des choses qui, entre cinéma et philosophie,
accrochent Il faut pas en rester seulement aux “disciplines”
…
Valérie
Lors de la première séance tu nous avais conseillé
d'aller voir l'exposition d'Anselm Kiefer …
Annick
On n'en a jamais parlé…
Valérie
J'avais l'impression qu'on allait partir dans cette direction
…
Annick
C'est vrai, c'est quelque chose que
j'ai lancé, qui n'a pas été repris
par le groupe. Au départ, j'ai jeté des éléments,
en me disant : il faut qu'il y ait des choses qui “prennent”
et des fils qui se tirent. Mais j'ai regretté qu'on
n'en ai pas parlé. J'avais bien sûr quelque
chose en tête en vous faisant cette proposition, et
ça n'a pas été forcément la
façon dont vous l'avez reçue? Tu veux en dire
quelque chose ?
Valérie
On s'était parlées au téléphone
la veille, et finalement je n'y suis pas allée parce
que j'ai ouvert un bouquin à la maison et j'ai vu
des reproductions et je me suis dit que je ne me sentais
pas d'y aller. J'en ai vu après et je me suis dit
que “C'est vrai, t'as bien fait de pas y aller.” J'ai
eu peur qu'on se laisse avoir par le site en lui-même
de la chapelle de la Salpétrière qui est formidable.
Annick
C'était justement pour ça que j'avais envie
que vous y alliez. C'est par rapport à la question
de la présence et par rapport au cinéma. Ce
que Kieffer a fait pour la Salpétrière, c'est
sacré, c'est religieux, et aucune reproduction ne
peut te faire ressentir ton corps face à cette matière.
Par rapport au cinéma, le cinéma étant
un “déplacement”, c'était un des fils
que j'aurais voulu travailler. Les gens étaient là.
On n'avait pas envie de partir … notre corps face
à ça. Alors que le cinéma, on est devant
quelque chose devant l'empreinte de quelque chose …
Valérie
Quand tu as vu après la vidéo de Bill Viola
à Saint-Eustache …
Annick
Non, je ne l'ai pas vue, malheureusement …
Valérie
C'était des images au ralenti, d'un extrême
ralenti. Là, c'est pareil je pense qu'il y avait
quand même de la présence très forte
…
Annick
C'est comme ce qu'il avait présenté à
la Salpétrière, justement. L'intérêt
de certains travaux de Bill Viola fait que l'on retrouve
la question de la présence.
Quand Françoise a parlé
de la salle où elle ne se laisse pas aller et que
devant une installation elle est plus disponible …
Dans mon travail actuel, personnel, au niveau de l'image,
je ne “travaille” plus pour la salle. Je veux travailler
pour un grand espace, ou des petits espaces. Pour certains
projets, c'est une toile au milieu d'un grand espace …
Je voudrais travailler une certaine “présence”.
Je voudrais que les spectateurs soient dans le noir, qu'il
puissent se déplacer autour de l'image projetée
sur une grande toile au milieu de l'espace en portant un
casque pour être “dans” le son et pas entendre
le sons des installations d'à côté.
C'est chercher, retrouver une certaine présence mais
qui n'est pas celle de Kieffer, pas la présence face
à Giacometti. C'est autre chose. La question de la
présence, c'est un autre fil à travailler
avec les enfants. Il y a des cinémas qui te demandent
… par exemple, le cinéma des Straub travaille
la présence, je trouve. J'ai toujours pensé
que j'aimerais bien voir certains films des Straub en extérieurs,
à l'air libre, dehors, pas en salles …
Clémentine
Qu'est-ce que vous appelez la présence ? C'est quelque
chose qui nous dépasse ?
Annick
C'est la co-présence, on peut dire. Ici, nous sommes
présentes. Il n'y a pas de medium par exemple, la
pellicule, ça va être le medium : l'image
est filmée en 97, je vous montre mon film en 2000,
vous n'êtes plus face à, co-présentes
à, il n'y a que la trace de ce que j'ai filmé
en 97 …
Clémentine
Comme il y a une connotation je voulais savoir …
Valérie
Oui, c'est plus que ça, ça devient mystique
…
Annick
Oui. Dans les textes pour mes projets, j'ai écrit
: “le réel comme sacré” je vais vers
ça, ça me fait un peu peur …< br>
Il pourrait donc y avoir aussi des
transversalités sur cette notion-là.
Françoise L.
Je voudrais être claire. Quand j'ai parlé tout
à l'heure, c'est pas le coup de la “discipline”,
c'est une question d'attitude, de pensée, même.
C'est un constat, mais moi c'est pas ciné/arts plastiques.
C'est vraiment mon attitude. Comment je suis, comment je
pense, comment je laisse venir à moi autrement …
Annick
On a ouvert deux pistes : sur la question de disponibilité,
puis sur le côté arts plastiques. j'ai ouvert
autre chose: ne pas en rester à comparer des pratiques.
Toujours passer par un medium qui est le spectateur.
C'est notre pensée et nos sensations qui sont importantes.
(à propos des notes sur le
gestes de Giorgio Agamben)
je ne peux pas encore en parler parce
que c'est un texte que je ne maîtrise pas assez. Ça
touche la différence que fait Agamben entre geste
et image.
Dès qu'on se pose certaines
questions, on est obligé de reprendre des choses
fondamentales de notre culture et de remonter, et plus ça
va plus je suis obligée de “remonter”. Donc,
j'ai enfin lu la Poétique d'Aristote : c'est
très court et d'une grande clarté. Quand je
repense aux cours de cinéma que j'ai eu sur la mimesis,
la représentation, la poiesis, etc. Je trouve
que c'est très clair. Si cela vous intéresse,
pour moi, j'ai tapé certains extraits de la Poétique
et de l'introduction du traducteur sur “poésie
et imitation”, “l'objet de la poésie”, la traduction
du mot “techne”. L'imitation par exemple, ce
n'est pas seulement l'imitation de l'aspect …
(…)
Mireille
J'ai pensé à quelque chose quand tu as dit
“l'histoire — les histoires — ça
ne m'intéresse pas”. Là ça semble un
peu évident mais il est vrai qu'habituellement lorsqu'on
parle du cinéma c'est quand même la fiction,
je voulais qu'on parle de ça …
Annick
Le texte de Deleuze répondait en partie : les histoires
c'est quelque chose qui est commun à beaucoup de
moyens et ce que travaille le cinéma, c'est plutôt
la création de blocs de mouvement/durée.
D'une certaine façon on y répond
aussi un peu, partiellement, dans ce qu'on a fait. On a
travaillé par exemple : entre la pensée du
film et la pensée du spectateur, on a vu la question
du montage Ce qui est spécifiquement cinématographique
c'est quand même cette possibilité d'enregistrer
le travail de la lumière sur une pellicule argentique
et de pouvoir ensuite monter comme on veut. Là on
construit forcément du récit mais qui n'est
pas forcément chronologique ou organisé comme
une histoire, au sens d'intrigue. Le cinéma, pour
le dire très vite, peut se passer d'intrigue …
Clémentine
Ce qui fait l'intérêt, Il paraît qu'il faut
qu'il y ait un conflit entre deux parties. S'il ne se passe
rien ça n'a pas d'intérêt.
Annick
Jean-Claude Carrière, que j'ai entendu un jour sur
La 5ème pense que le cinéma n'est pas
un art de l'image mais un art dramatique. Lui, est totalement
dans l'histoire, l'action, mais on peut très bien
lui rétorquer que c'est un art de l'image. Seulement,
on prend des prémisses qui sont différentes
…
Valérie
Lui, il met l'image au service d'autre chose …
Annick
Mais qu'est-ce qu'il entend par le mot image ? Agamben,
lui dit que le cinéma n'est pas un art de l'image
mais un art du geste, mais je ne suis pas encore prête
pour en parler et ce sont des choses que je ne voudrais
pas traiter dans Ouvrir le cinéma, comme dans
un livre. Je voudrais toujours que ça parte de fils
…
Mireille
Je mettais l'accent sur le fait que le film c'est autre
chose que la fiction. Tout à coup, quand tu l'as
souligné, je me suis dit, c'est vrai, mais comment
le faire passer auprès de gens?
Annick
Je crois qu'il ne faut pas se poser la question du comment
le faire passer, il faut prendre les choses très
à plat et puis il faut qu'il y ait — c'est
pas une logique parce que ça peut être illogique
—, mais il faut que les questions comme dit Deleuze
s'emboîtent les unes dans les autres et pas sortir une question
d'un chapeau.
Ce que je voudrais arriver à
proposer : la question de la fiction, par exemple, ne va
pas arriver artificiellement mais de tout un magma de travail
et de pensée. Il y aurait déjà eu auparavant
un travail qui nous aurait donné des fils, des bases.
On saurait, — si on travaille en groupe —, que
tel mot est utilisé de telle façon que la
question de la fiction soit supportée … Agamben
parle du geste qui supporte, le geste du roi, la souveraineté
: le roi qui régit. Le roi ne fait pas, n'agit pas,
mais il régit, il supporte, il assume quelque chose,
il assume la souveraineté, le pouvoir. Comment on
dit : le roi règne mais ne gouverne pas … Gouverner
ça pourrait être au sens d'agir ?
Maryvonne
Ça devrait être au sens de faire mais effectivement
en ce moment c'est au sens d'agir. Mais je pense que gouverner
pourrait être aussi créer mais ce n'est pas
tout à fait le cas de nos gouvernements actuels.
Par rapport au geste. Je suis en train
de lire — enfin, des bouts — La Raison des
gestes de Jean-Claude Schmitt, dans lequel il y a des
trucs intéressants que je vais utiliser avec les
élèves. Je l'ai lu parce qu'il est cité
par Gilles Châtelet dans un livre, que vous ne lirez
pas, mais je fais des ateliers de lecture sur ce livre qui
est un livre génial, très dur à lire,
Les Enjeux du mobile. C'est un livre pluridisciplinaire
de math-philo-physique mais qui utilise aussi la linguistique,
l'épistémologie, la psychanalyse, la philosophie
cette question du geste est très travaillée
en ce moment dans des disciplines très diverses.
Schmitt est un médiéviste, Châtelet
c'était un philosophe matheux et aussi Gilbert Simondon
qui est un philosophe qui a parlé de la généalogie
des gestes …
Annick
Justement, les photocopies qui sont au mur depuis deux mois,
c'est par rapport au geste et au montage. Ce sont des illustrations
d'un article de Philippe-Alain Michaud sur Aby Warburg,
un historien de l'art qui a composé des planches
d'images où il rapprochent des gestes pour questionner
ce qui se déplacent dans ces gestes, par exemple,
une nymphe grecque sur un vase ou un bas-relief et une joueuse
de tennis moderne. Il a appelé ce travail “Mnémosyne”.
C'est très cinématographique. Michaud termine
d'ailleurs par le rapprochement que fait Godard dans ses
Histoire(s) du cinéma entre Lilian Gish dans
le film de Griffith, A travers l'orage, et les hystériques
de Charcot à la Salpétrière.
En dehors de Ph.-A. Michaud, il y a
sûrement des gens en cinéma qui travaille de
cette façon mais je ne les connais pas. Il faudrait
voir si Nicole Brenez travaille comme ça. Je n'ai
rien lu d'elle. Elle s'occupe du cinéma expérimental
à la Cinémathèque Française.
C'est déjà une ouverture …
(…)
Maryvonne
J'ai pas eu le temps de travailler, mais pour reprendre
le texte de Nietzsche : un des trucs de l'école c'est
d'apprendre à penser à nous et aux jeunes.
C'est très important et c'est un des moteurs de ma
présence ici, qui est à la fois une envie,
un besoin, un désir. Je crois que c'est vraiment
les trois.
Moi aussi, ça m'importe drôlement
l'histoire de la mémoire et des souvenirs, dans le
cinéma mais aussi d'une manière complètement
transversale, trans- ce qu'on veut.
En reprenant la citation de Deleuze
citant Bergson. “Le souvenir n'est pas une image actuelle
qui se formerait après l'objet perçu mais
une image virtuelle qui co-existe avec la perception actuelle
de l'objet.”
C'est une formulation mais il y en
a plein qui seraient peut-être encore meilleures que
celle là, sur le fait de cette importance de la dualité
du souvenir (les deux sont présents mais avec une
dualité complètement différente une
dualité avec des présences différentes).
Il y a aussi l'idée d'entre-textualité
quand tu disais [ à Françoise G.] qu'un
film t'avait … Si je lis Leibniz et Hegel, pour parler
d'un tout autre domaine, c'est vrai que Leibniz se lit à
travers Hegel et Hegel se lit à travers Leibniz.
C'est sûr que Hegel a lu Leibniz donc c'est pas une
fantasmagorie, mais même ce serait pas grave si c'était
seulement dans ma tête. Alors, l'entretextualité,
c'est un mot comme un autre, c'est pas moi qui l'ai inventé,
je préfère entretextualité à
intertextualité. C'est un mot d'Yvon Belaval qui
est un philosophe contemporain.
En fait je ne sais pas trop pourquoi
je suis ici, — si ce n'est que ça me passionne
—, puisque mes références vont être
précisément sur ce que je fais en mathématiques
:
Un truc que tout le monde connaît même
au niveau du souvenir. Vous savez vaguement qu'il y a quelque
chose comme π qui existe, oui ? Généralement
quand on en parle les gens sont contents. Tu vois [à
Françoise L.] tout de suite tu as dit πr2.
On est content de se souvenir de quelque chose même
si ça réveille des souvenirs comme tu dis,
douloureux, ou ennuyeux. Ce que je fais avec mes élèves
sur le travail de la mémoire que je peux appeler
“culture commune” — c'est aussi un peu ça
qu'on a fabriqué entre nous. A chaque fois qu'on
forme un groupe, il y a l'idée de cette culture commune,
Alors, il y a une culture des images,
et une culture des textes, qu'on a fabriquée. Avec
les élèves, je fabrique la même chose,
enfin j'essaie par exemple, sur la mesure du cercle. J'ai
envie de faire un film là-dessus. C'est vrai que
ça m'intéresserait, parce que je pense que
ça peut être un truc qui motive les élèves,
pour se rendre compte qu'il y a l'action et la réflexion
: on est dans l'action quand on va — alors, là,
je vais vous parler “hébreux”—
encadrer le périmètre du cercle entre un carré
circonscrit et un hexagone régulier inscrit, là
je vous parle hébreux.— Il y a un agir: là,
les gamins le font avec leur corps, avec leur compas. Tout
ça se travaille à plein de niveaux : il y
a la Bible, les Egyptiens, Archimède, les Hindous,
les Chinois. Puis on se pose la question, un vrai questionnement
: “Qu'est-ce que les hommes en avaient à foutre
de mesurer le périmètre du cercle ou l'aire
d'un disque ? Si vous avez une réponse …? Là,
c'est un vrai questionnement!
D'ailleurs, après pas mal de
travail et la question que j'ai posée aux élèves,
leur réponse c'est, pour certains : “C'est
Mme Hallez qui a inventé ça pour nous emmerder”.
C'est une réponse possible parmi plein d'autres.
De tout ce magma, pour l'instant, j'ai plein de “texte
libres” — entre guillemets —, parce que qu'est-ce
que c'est qu'un texte libre : je suis prof Freinet mais
à ma sauce, à ma manière. Quand je
dis : construire un carré d'aire double de celle
d'un carré donné, que je leur dis d'écrire
tout ce qui leur vient dans la tête, il y en a qui
me font vraiment des textes libres puisqu'ils se mettent
à raconter une histoire qui n'a absolument rien à
voir avec la question posée, qui piquent des mots
et à partir de ces mots inventent une histoire. Comment
on invente une histoire ? on reprend un conte qu'on connaît
un petit peu alors, que ce soit Le petit chaperon rouge
ou Le petit africain … De tout ce magma de
choses qu'ils font là, j'ai envie qu'il y en ait
quelque chose qui reste en trace commune pour le groupe
classe mais en même temps, ce que je pense,
c'est que ces réflexions-là, c'est la bonne
manière d'enseigner les mathématiques —
n'est-ce pas — et donc que ça devrait aussi
être diffusé.
Donc, mon interrogation, je la retrouve
dans beaucoup de choses, je vais citer Benjamin [2] :
“Les concepts
nouvellement introduits dans la théorie de l'art
par les pages qui suivent se distinguent des concepts usuels
en ce qu'ils sont complètement inutilisables pour
les visées du fascisme. Ils sont utilisables au contraire
pour la formulation de revendications révolutionnaires
dans la politique artistique.”
Ça, je pourrais dire que c'est
mon credo. Evidemment, c'est un théorème
qui n'est absolument pas démontrable ni prouvable,
mais, j'ai bien envie de dire que ce que je viens de vous
proposer comme ce qui est proposé par Benjamin, avec
le fait, je dis pas que Benjamin remplit son programme,
pas plus que je ne remplis mon programme, mais que si je
devais faire un programme électoral je pourrais tout
à fait mettre ça, — ce que je viens
de dire. Je suis là, aussi : “résistance
et politique” — Complètement.
Il y a aussi la notion d'aura. Cette
notion d'aura, ce qui entoure quelque chose que l'on peut
lire, que l'on peut voir, que l'on peut vivre — j'aime
bien la distinction de Benjamin par rapport à l'autorité
— c'est pas l'autorité de la chose ni
de du texte, c'est l'aura — a — u — r
— a — ou ora — o- r- a — parce qu'on
peut faire le jeu de mot avec la bouche et tout ce qu'on
veut là-dessus — les limites, les contours
— on peut jouer dessus! Et c'est de ça que
ça peut travailler et faire que, moi-même —
alors là, je te rejoins tout à fait [à
Francoise L.] — l'enseignement est un acte créatif,
enfin au moins quand on y arrive! Parce que évidemment
la création, c'est pas tous les jours! Et que pour
le gamin aussi! Celui qui va inventer une solution à
une question qui est posée, il fait de la création!
C'est pas parce qu'il retrouve ce qui a été
fait mille ans avant lui!
Annick
C'est dans l'acte …
Maryvonne
Et ça, il faut à la fois le faire entendre
aux gamins entre eux — parce que, sinon : “Ah,
bah! Evidemment! Ça a déjà été
trouvé avant toi!” — C'est tout ce rapport-là
qui est à changer,
et puis aussi, l'importance de revenir
aux Textes, c'est aussi ce que je promeus complètement
et non pas uniquement en tant que “Déclic”
mais en tant que chercheuse de l'Institut de recherche de
l'enseignement des mathématiques, je suis uniquement
celle qui fait lire des textes
[3] — des textes originaux : ça, j'y crois
vraiment. Insister, travailler le mot, le langage, la polysémie
du langage et tu peux faire aussi “éclore”
des trucs. Alors, comment tout ça pourrait s'articuler
avec ce que je vais essayer de refaire avec mes gamins,
avec le camescope, je n'en ai alors, aucune, aucune idée.
Globalement, tout ce que j'ai entendu
cet après-midi, m'a vraiment intéressée.
Clémentine (Maternelle)
Par rapport à mes élèves, comme quoi
c'est important d'ouvrir le cinéma : on fait venir
la cinémathèque Robert Lynen à l'école
— c'est moi qui suis chargée de la programmation
films — on a un catalogue avec le résumé
de l'histoire, on n'a pas les images, on a rien. Donc, j'avais
choisi Aucassin et Nicolette, un film d'animation
avec des silhouettes noires sur fond de couleurs et l'autre
film Antoine, l'aventureux, l'histoire d'un escargot
provincial qui monte à Paris attiré par la
capitale et qui s'en retourne illico presto chez
lui, très déçu.
Aucassin et Nicolette, ils ont
plus ou moins accroché, mais Antonin, l'aventureux,
ça ne les a pas du tout intéressé.
Il y un enfant qui a dit — et je n'ai pas eu le temps
d'approfondir — “Ah, c'était pas un film
!” — alors, qu'il y avait une histoire, une narration,
le voyage jusqu'à Paris, son retour Je me suis dit
: “Oui, c'est important de préparer le terrain
parce que déjà à cet âge-là
les enfants ont déjà des idées préconçues.
J'étais surprise, parce qu'on dit : “les enfants
sont réceptifs, etc.”. C'est vrai que c'était
à la place de la récréation, il pleuvait,
il y avait de l'électricité dans l'air, bref
Il y avait un autre film, je ne l'avais pas vu mais
une personne m'en avait parlé avec éloge,
c'est L'opéra imaginaire, et là non
plus, ils n'ont pas accroché. Je me suis demandée:
comment faire pour qu'ils s'y intéressent ?
Annick
Est-ce que tu poses bien la question ? “Comment faire
pour qu'ils s'y intéressent ?” tu décides
qu'ils doivent s'intéresser à ça. Mais
en quoi …?
Clémentine
Justement, pour leur ouvrir le regard, sinon ils resteront
dans la même optique.
Annick
Comment dire ? Quand un enfant te dit que c'est pas un film,
il dit pas forcément que “c'est pas un film”,
en disant ça. Si ça se trouve, ce qu'il veut
te dire ne concerne pas du tout le film mais concerne lui
et toi, je ne sais pas …
Souvent, avec les enfants, “c'est
pas un film”, parce que, par exemple, c'est trop court.
Ils ont déjà intégré la norme
du film de long métrage — Un film, c'est forcément
long, forcément en couleurs, et forcément
parlant …
Avant de dire : “Comment faire
pour qu'ils s'y intéressent”, il y a un travail à
faire sur les mots
Françoise L.
C'est compliqué ces affaires. J'ai vu dans une école,
Poil de carotte. Le directeur, en toute bonne foi
et sympathie a voulu vraiment — le drap accroché,
le préau, assis à moitié par terre,
à moitié sur les bancs, le projecteur qui
faisait du bruit — c'était pas inintéressant
mais il y avait quand m¡me 6/7 classes devant, c'est
pas
évident ! Tu avais un éclair de soleil
qui venait taper au beau milieu du drap ! Comment
veux-tu que les mêmes ils jouaient avec, ils avaient
raison !
Par contre l'autre jour, j'ai vu Les
Temps modernes, dans une salle de cinéma, l'Escurial
: huit classes bien assises. Tu entendais le silence!
(…)
Annick
Pour terminer et réagir au texte de Deleuze “Avoir
une idée en cinéma”, il y avait donc la question
du besoin mais aussi l'idée concernant la disjonction
de l'image et du son, notamment chez les Straub quand l'image
nous dit quelque chose et que le son nous parle de ce qui
est sous l'image Je voulais vous montrer le debut de Trop
tôt, trop tard
Le discours de Deleuze est assez fort,
assez séduisant, “prenant” mais en même
temps, les films dont il parle, je ne suis pas sûre
qu'ils vous séduisent.
COMPTE RENDU : Françoise G.
En écho aux textes de Deleuze
donnés par Maryvonne la fois précédente,
ouverture de la séance par la projection d'un extrait
de l'abécédaire : Q comme question.
Différenciation entre question
et interrogation : l'interrogation est de l'ordre de l'opinion
(“que pensez-vous de ?”): la question est de l'ordre
de la recherche d'un problème posé. (aparté
— Françoise L. et Valérie s'accordent
à trouver Deleuze “séducteur” —
se-ducere— conduire — cf. Annick)
La question, le questionnement comme
objectif de travail, comme méthode. Questionner,
entre autre, l'approche sémiologique du cinéma
telle qu'elle est proposée majoritairement depuis
les années 70 et parvenir à une autre approche
qui “ouvre le cinéma” sur d'autres terrains
de connaissances, de créations.
Rappel du cadre de travail de notre
groupe tel que l'a proposé Annick (6 séances,
un lieu de recherche et pas un lieu de “formation”),
suite à mon intervention sur mon désir de
travailler la question (?) de l'approche du cinéma
avec les enfants, dans la lignée de notre travail,
cela aussi en perspective avec les textes Lang-Bergala dans
les Cahiers du cinéma.
Note personnelle : j'ai l'impression
de rentrer dans une dynamique de réflexion autre
sur le cinéma (et plus largement), et l'échéance
de la prochaine et ultime séance me laisse dans un
désir et un besoin de prolonger, d'étayer
cette réflexion. La question de la “passation”
auprès des enfants en découle.
À voir : quelles autres modalités, pour
continuer la réflexion.
Interventions, contribution de chacune
sur notre travail en cours.
Françoise L. a évoqué
sa difficulté, malgré tout, à recevoir
ou à entrer dans certains films, vus au cours des
séances, alors qu'elle est tout à fait réceptive
à une “œuvre exposée, telle une installation
qui peut sembler également difficile d'accès
(mais où on “s'installe”).
>> Renvoi au problème de vitesse et
de mouvement qui ne permet pas la contemplation et/ou la
réception,
selon nos habitudes de spectatrice quand le cinéma
va trop vite ou trop lentement. (cf. le texte de Benjamin).
>> Difficulté aussi de “présentation” à
des élèves. Face à une “uvre exposée,
temps de la contemplation, de l'imprégnation, de
parcourir en tout sens, de revenir à un élément
qui fait écho, à un autre, etc.
>> Dans le bloc “mouvement/durée” (cf.
Deleuze), d'autres stratégies d'approche à mettre
en
œuvre. (cf. la distraction, le “braquet visuel”).
>> Renoncer à son propre temps; entrer dans
le temps de l'autre, ce qui n'est pas très facile —
acceptation d'une non-maîtrise.
J'ai évoqué le film de Van der Keuken, Vacances
prolongées, vu récemment sur Arte, et
comment dans le sillage du film, des films vus lors de nos
séances prenaient une “parenté”, pour
moi. Questionnement autour de la mémoire et du désir/besoin
de filmer/
Mémoire et Souvenir
Et puis, depuis : “toute “œuvre
d'art n'est pas un acte de résistance, et pourtant
d'une certaine manière, elle l'est.” Phrase qui “diffuse”
dans de nombreuses directions et fait l'écho, aussi,
pour moi, à l'intervention de Maryvonne qui a évoqué,
entre autre, un autre point que je n'ai pas mémorisé
(pas de prise de notes) — pas bien compris non plus
— et la reprise du projet de film, avec ses élèves.
Valérie a évoqué
son attente d'un lien avec les arts plastiques. Il y avait
eu l'exposition de Kiefer à la Salpétrière
que quelques unes seulement avaient vue, donc un fil resté
en chemin.
Le dialogue très fort entre
l'œuvre exposée, le lieu, et la lumière,
comme élément à part entière
de “narration” (? — pas le mot “juste”).
Evocation de la “présence”, issue de cette
conjugaison, de cette rencontre. J'aimerai revenir sur cette
notion.
Visionnement du film de Straub et Huillet
Trop tôt, trop tard.
• La voix, le texte, ce que fut
1789 et le dévoiement de cette révolution.
• Le lieu, place de la Bastille, aujourd'hui, dans
un panoramique circulaire ininterrompu. “C'est ici”.
• Des entrées de villages bretons, les fermes
dans la campagne. (la présence impressionnante —
bruit/frémissement de cette campagne).
• La situation, dans tous les sens du terme, des paysans
de ces villages, en 1789.
“La voix s'élève, en même temps,
que ce dont nous parle la voix, s'enfouit sous la terre”
(Deleuze, décidément).
Mireille a fait référence
à la fiction.
Clémentine a évoqué
la difficulté à proposer des films à
des élèves de maternelle.
[1]
Professeurs de la Ville de Paris
[2] Les passages cités par Maryvonne sont tirés de L'oeuvre d'art à l'ère de sa reproduction technique mais ne sont pas les mêmes que ceux que je vous avais communiqués.
[3] Je ne suis pas sûre de ma transcription(A.B.)s