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Au bord de la mémoire (1) (2)
(1) miniDV couleurs, 72', 2004. [Lire !]
réalisation (image, son, montage) : Annick Bouleau
Production : Ansedonia (c)
(2) miniDV couleurs, 57' 29', 2012. [Lire !]
réalisation (image, son, montage) : Annick Bouleau
Production : Ansedonia (c)
Pour faire un lien vers ces deux films :
http://ouvrirlecinema.org/pages/mon-coin/ab/filmo/aubord.html
Clic sur les images pour accéder aux films.
au bord de la mémoire (1)
À partir de la conférence donnée par Georges Didi-Huberman au centre Georges Pompidou en janvier 2002 : (ÉCRIRE) L'HISTOIRE DE L'ART AU XXe SIÈCLE : LE MONTAGE DE ‘MNEMOSYNE’.
Enregistrement intégral en deux plans (60'+12)'.
Filmer quelqu’un qui parle. Il n’y a pas de règle générale, il n’y a que des décisions, des choix singuliers.
Pour cette conférence dont le sujet est l’atlas d’Aby Warburg, Mnénosyne , aux images multiples et démultipliées, j’ai choisi d’inscrire simultanément mon écoute et mon regard dans la captation.
J’ai décidé de filmer d’un seul geste, d’un seul mouvement, en privilégiant les images projetées, ne gardant que la voix du conférencier.
Lenteur de ce(s) mouvement(s) : j’ai autorisé la machine, réglée sur le focus automatique, à opérer les “rattrapages” de point, comme elle peut (et non comme je voudrais).
En optant pour des cadrages et décadrages au zoom à longue distance, je m’exposai au flou, au tremblé, au raté, même.
Ce geste : le cinéma à l’état naissant. Encore. Toujours.
Un geste de penser
En me plaçant dans le champ de la praxis,
c'est-à-dire quand pratique et théorie sont intégrées et non opposées,
il me semble que cet essai filmique peut contribuer à un questionnement sur la fonction du montage : ici, paradoxalement, dans un montage — audio et visuel — en direct, directement dans le plan séquence : considérant la techne du montage à la fois comme forme du penser et moyen technique.
Mais le « et » dans — pratique et théorie — forme du penser et moyen technique — devient vite inconvenant.
En le supprimant, on se retrouverait comme sur une bande de Möbius : on est d'un côté tout en étant de l'autre sans avoir franchi de bord.
Cela appelle peut-être de n'en pas rester au seul champ de la forme.
D'où l'importance, pour la démarche entreprise sur ce site, de la remise en question de tous nos concepts de base qui s'opère via le séminaire de Jean Oury à Sainte-Anne. (a.b. 2004)
au bord de la mémoire (2)
À partir de Mnémosyne 42, travail conçu par Georges Didi-Huberman à l'invitation d'Alain Fleischer (directeur du Studio national des arts contemporains LE FRESNOY), présentée dans le cadre de l'exposition “Une histoire de fantômes pour grandes personnes”, par Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger.
Filmé en un seul plan séquence, avec casque d'écoute.
Ce second film confronte, rapproche — sans l'avoir cherché —, deux possibilités (parmi d'autres) de faire usage de la technique cinématographique, de faire de la cinématographie (comme on dit : la géographie, la biographie, l'ethnographie, … ) [1]
L'une, qui privilégierait la fonction du montage,
L'autre, qui s'intéresserait à la formation de l'oeuvre (Gestaltung), non à l'œuvre telle qu'elle est formée
(Gestalt)
Ici, le montage va s'effectuer en direct, sans possibilité de repentir, et le film devient la description, dans la durée, de sa propre formation.
Filmer en plan-séquence permet cette « hypothèse abductive » (selon une formule chère au site) pour ouvrir, construire un cheminement de penser autour de cette problématique (a.b. 12.10.2012, modifié 21.06.2015)
« Toutes les autres tentatives faites jusqu'ici pour venir à bout des problèmes du rêve se rattachaient directement au contenu de rêve manifeste, donné dans le souvenir, et s'efforçaient, à partir de lui, de parvenir à l'interprétation du rêve, ou bien, si elles renonçaient à une interprétation, de fonder leur jugement sur le rêve en renvoyant au contenu du rêve. Or nous sommes les seuls à être en présence d'un autre état des choses ; pour nous s'intercale entre le contenu du rêve et les résultats de notre examen un nouveau matériel psychique : le contenu de rêve latent obtenu par notre procédé, soit les pensées de rêve. C'est à partir de ce dernier contenu de rêve, et non à partir du contenu manifeste, que nous avons développé la solution du rêve. C'est pourquoi d'ailleurs s'impose à nous une tâche nouvelle qui n'existait pas auparavant, celle d'examiner les relations entre le contenu de rêve manifeste et les pensées de rêve latentes et de suivre à la trace les processus par lesquels celles-ci sont devenu celui-là.
Pensées de rêve et contenu de rêve s'offrent à nous comme deux présentations du même contenu en deux langues distinctes, ou pour mieux dire, le contenu de rêve nous apparaît comme un transfert des pensées de rêve en un autre mode d'expression dont nous devons apprendre à connaître les signes et les lois d'agencement par la comparaison de l'original et de sa traduction. Les pensées de rêve nous sont compréhensibles sans ambages dès que nous en avons pris connaissance. Le contenu de rêve est donné en quelque sorte dans une écriture en images, dont les signes sont à transférer un à un dans la langue des pensées de rêve. On serait évidemment induit en erreur si l'on voulait lire ces signes d'après leur valeur en tant qu'images et non d'après leur relation entre eux en tant que signes.
J'ai par exemple devant moi une énigme en images (rébus) : une maison sur le toit de laquelle on peut voir un bateau, puis une lettre isolée, puis une personne en train de courir dont la tête a été remplacée par une apostrophe, etc. Je pourrais à présent me laisser aller à la critique en déclarant insensés cet assemblage et ses constituants. Un bateau n'a pas sa place sur le toit d'une maison et un personnage sans tête ne peut pas courir ; par ailleurs, le personnage est plus grand que la maison, et si ce que présente l'ensemble est censé être un paysage, les lettres isolées, qui bien sûr ne se rencontrent pas en pleine nature, n'entrent pas dans l'agencement. Il est évident que l'appréciation correcte du rébus ne se dégage que si je n'élève pas de telles objections contre l'ensemble et ses détails, mais si je m'efforce de remplacer chaque image par une syllabe ou un mot qui, en fonction de telle ou telle relation, est susceptible d'être présenté par l'image. Les mots qui se trouvent ainsi rassemblés ne sont plus dénués de sens, mais peuvent donner la sentence poétique la plus belle et la plus riche de sens. Eh bien, c'est une telle énigme en images qu'est le rêve et nos prédécesseurs dans le domaine de l'interprétation du rêve ont commis l'erreur de jugement de voir dans le rébus une composition graphique ; en tant que tel, il leur est apparu insensé et dénué de valeur. »
Sigmund Freud, L'interprétation du rêve (1895), Chapitre VI, « Le travail de rêve », Puf, 2003, p. 319-320.
Dans ma façon de filmer Mnémosyne 42, j'ai l'impression d'avoir effectué un travail de recension (pas exactement de critique au sens journalistique) en images. Mais ce serait comme la partie contenu manifeste (l'image du rêve) et qu'il resterait à travailler ses relations avec le contenu latent (la pensée de rêve).
Pour essayer d'être claire : J'ignore encore ce que plan séquence-ruban de 57 minutes peut me dire. Un travail, par la pensée, par les mots, peut commencer.
Mais voici ce que Georges Didi-Huberman m'écrit en cette fin d'octobre 2012 :
Chère Annick,
Je rentre des Usa et je trouve ta carte et ton film.
Celui-ci m'apprend beaucoup :
d'abord, que le cadre n'est pas un repère, ni celui créé par l'installation (toujours de biais), ni le tien qui s'involve dans cette incertitude.
L'autre chose, c'est le son, à la fois direct et jamais direct…
Cela (ton travail) rend les choses encore plus sensuelles et vertigineuses. Un grand grand merci !
à mon corps défendant
La question du son. C'est l'une, sinon la majeure, de mes « prises de positions » pour faire de la cinématographie.
On a lu beaucoup de jugements critiques sur une pratique de non-dissociation du son et de l'image. Alors que l'inverse (les dissocier) est parfois devenu comme un cliché, aboutissant à ce que, méchamment, je définis comme du 'sous-Duras'.
Pour ma part, j'en reste au son direct mais en essayant de créer un dispositif de filmage qui va, à mon corps défendant (expression à prendre presque au pied de la lettre !), créer parfois de façon illusoire, fantasmatique (voir été tardif) une autonomie de la bande image et de la bande son.
Casque vissé aux oreilles, petite caméra vidéo dans la main gauche, j'ai donc parcouru l'immense coursive surplombant Mnémosyne 42 en m'arc-boutant de la main droite aux fines poutrelles qui en rythment son périmètre. Ce geste corporel produit un mouvement élastique pour m'approcher, reculer, avancer, forcément toujours re-cadrer. Un jeu à l'élastique qui a fait partie du plaisir de filmer, ce jour-là.
cadre contre cadre
La question du cadre. Georges Didi-Huberman y fait référence en tant que « repère », ce qu'il ne serait pas, pense-t-il, que ce soit dans Mnémosyne 42 ou dans au bord de la mémoire (2).
Cela sous-entend, je crois, que le cadre est considéré, en général, comme tel. Mais que faut-il entendre par repère ?
Quelques jours plus tard, je découvre le texte (en français) de Georges Didi-Huberman, écrit pendant l'élaboration de Mnémosyne 42, publié dans la revue italienne Engramma (n°11 | septembre 2012).
(À consulter : une sélection bibliographique sur le site des éditions de Minuit).
La question du cadre. Vu par Jean-Luc Godard, en 1984 :
« Je n'arrive pas à expliquer à un opérateur qu'il n'y a pas de cadre, qu'il y a un point à trouver […]. C'est un résultat à trouver. ».
C'était dans l'entretien filmé par Jean-Paul Fargier avec Philippe Sollers. Fragment n° 294, p. 122, Passage du cinéma, 4992.
(8 novembre 2012. Dernière Maj le 6 ocotobre 2021)
[1] cf. Jacques Schotte, « Nosographie », cours 1977-78, coll. La boîte à outils, Revue Institutions, 2011, p. 9.
« Partons donc de la notion de nosographie, constituée, comme on sait, de la conjonction de deux radicaux empruntés au grec : nosos, maladie et graphein, écrire. Elle fait couple, selon un modèle familier (cf. géographie et géologie, ethnographie et ethnologie, biographie et biologie…) avec le terme de nosologie : tous deux renvoyant à l'étude scientifique de la maladie. Plus précisément, la nosographie présente les maladies telles qu'on peut les décrire, les inscrire, les écrire dans une vue systématique de leur ensemble, dans une systématisation qui en précise les particularités individuelle ou de type. Est ainsi essentielle la tendance à aller vers la particularité individuelle ou typique, mais pour autant qu'elle s'inscrit dans un système général qui fournit le cadre requis pour toute description particulière.
Une telle nosographie renvoie à, ou est inspirée par une nosologie c'est-à-dire une doctrine des maladies comme maladies, qui fixe la notion même de maladie en général. »
Sur le site d'Ouvrir le cinéma, nous en restons à la cinématographie.
Ouvrir le cinéma