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[Enseigner avec le cinéma. Rencontre avec la pédagogie institutionnelle]
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III-Présentation
de travaux d’élèves
Compte-tenu de la définition que Pierre Johan Laffitte retient pour la
notion de « discours » ( « organisation
transphrastique (…) rapportée à une ou plusieurs instances
d’énonciation » ), il considère les dits
et écrits des enfants (et des adultes) comme un discours « quels
que soient leurs formes et statuts (poiétique, analytique, symptomatique,
etc.) » dont « la
première caractéristique, est d’être une organisation,
c’est-à-dire un tout structuré : il offre un cadre sémiotique
permettant de recevoir, traduire et travailler le monde. Mais, seconde caractéristique, à la
différence de la notion de langage qui est un universel anthropologique,
le discours est ancré dans une dimension restreinte. Tout discours définit
un champ particulier duquel dépendent paroles, faits et toutes autres
manifestations émanant d’une subjectivité prise dans ce champ.
Ce champ singulier concerne la production d’un discours aussi bien par
un seul individu, que par une communauté »
Est-ce que tout ce qui a été produit par les élèves
relève du discours ? Il me manque des rencontres que j’ignore
encore pour construire quelque chose autour de cette question. Aujourd’hui,
je jette les bases d’un travail à venir. Ce sont encore des notes.
Je commence par repérer quelques fils… À suivre…
1.Ce que les élèves ont produit
De l’écriture
>>>Autour du
rêve
>>>Autour des
trois films : 1/organisé (c’est moi qui leur demande) pour Étude
1 ; 2/spontané (au sens où ils ont décidé de
répéter le dispositif) pour Labirinto di vetri rotti et Notes
on the Circus.
Des dessins
>>> Autour du
rêve
>>>Liés à l’écriture
lors du visionnage des trois films (il y en a très peu)
De la parole
>>>La parole échangée
a été constamment présente puisque cela a été la
base de l’atelier : dialoguer, partager. À moi d’organiser
ces échanges notamment dans le classement des mots au tableau. [retour]
2.Ce qui est marquant dans les écrits des élèves
>>> Les élèves
sont attentifs à la
fois à ce qu’ils voient et entendent ainsi qu’à leur
propre réaction. Rarement ils se contentent de décrire. Les moments
de description sont intégrés à des moments de raisonnements,
des expressions de sensations, d’autres, très mystérieuses,
proprement poétiques, des souvenirs personnels, des rapprochements avec
le travail en cours. Cela nous rappelle que le vécu est un tout, pas fait,
en principe, pour être découpé suivant les modalités
de l’analyse. Le vécu n’est pas compliqué mais complexe.
Étude 1
De l’eau qui coule. Machine (bulldozer)
qui passait. Des voitures et autres moyens de transport qui roulent sous la pluie.
Le mariage de nos amis (sauf qu’il faisait beau). Le métro pour
rentrer chez moi. Un avion (un hublot) (ou le train). Le musée. Une entrée
(la tapisserie de la pièce est rouge). Ciel d’orage. Le tonnerre
(une horreur pour s’endormir). mur non tapissé. Le mur est fragments,
abîmé.
Étude 1
Ça me fait penser à un port où il
y a des bateaux. Il y a des bateaux à moteur. Il y a aussi des mouettes.
J’ai envie de relier ça avec l’image. Il y a des cloches qui
sonnent la mer s’éclate sur les rochers. Je crois aussi que des
personnes parlent.
Étude 1
Nous entendons la cloche d’une église.
Avec le son, je pense que nous sommes dans un port. Nous entendons un bruit d’eau,
je pense que c’est la mer. L’écran est complètement
vide, il a un fond blanc. Je pense que le bruit qu’on vient d’entendre
est le départ d’un grand bateau à hélice. Car c’est
ces hélices qui font le plus de bruit. Cela se calme. Nous entendons toujours
les mouettes. Un hydravion vient de partir. Le fond est toujours blanc,
l’image toujours vide. Un autre bateau vient de partir. La cloche d’une église
sonne. Une voiture roule. Un léger moteur de bateau. Nous entendons beaucoup
la mer. Une voiture vient de passer. Elle a éclaboussé quelque
chose. Nous entendons bien la mer. Une voiture vient de passer. Nous entendons
les mouettes.
Étude 1
Les voitures
La pluie ..................Le son de la ville en hiver
Les camions
Quand j’ai peur la nuit je vois une lumière et le noir
La mosquée où on prie
Le ciel noir de l’orage, un bout de soleil
A la campagne il y avait du carrelage et il y avait aussi la lumière du
soleil
Les carreaux de la salle c’est comme chez moi
Quand je trottine mon cœur moyennement
La pizzeria mon restaurant préféré
La bougie était le moyen d’éclairer avant que la lampe (électrique)
soit inventée.
>>> Les élèves
intègrent notamment le vécu
de la durée : ils ont conscience du rythme, de la
façon dont ils vivent ce rythme. Leur perception se fait regard :
ils notent les transformations qui s’opèrent dans les images, leur
façon de réagir à ces transformations, ils découvrent
un doute qui n’est pas anxiogène, mais naturel.
Dans la description d’un rêve
[…] soit des gouttes de sang, soit de
l’herbe, soit des rayons lasers.
Labirinto
Cela le fatigue et il le montre par différents
soupirs et arrêts. La combinaison est recouverte de ruban adhésif,
son casque aussi. Il se fatigue beaucoup car ses coups de marteau deviennent
moins puissants. C’est au bout de plusieurs coups que les vitres s’ébranlent
alors qu’au début du « massacre » il en fallait
qu’un seul. Les spectateurs se font moins nombreux. En réalité les
gens sont couchés les mains sur les oreilles.
>>> Ils trouvent
les mots pour dire des expériences
nouvelles ou bien définir des situations dont ils ne possèdent
pas encore le vocabulaire.
Étude 1
L’image est transparente à travers
d’autres images.
Étude 1
Une pièce qui a un trou dans le sol. Nous ne cessons de bouger. On veut
nous montrer le trou. Nous revoyons maintenant le trou. En fait, peut-être
que ce que je crois être un trou n’est que l’éclairement
du soleil.
Étude 1
Du carrelage
La lumière du soleil derrière des vitraux
Une ombre passe devant le vitraux et nous le rend visible
>>> Ils sont « sûrs » d’eux, ils
se font confiance, cela ne les embarrasse pas de ne pas connaître
le vocabulaire, ils n’ont pas honte de s’apercevoir qu’ils
avaient mal vus, mal compris, ou mal interpréter, au contraire, on dirait
que cela relève d’un certain plaisir. Du coup tout fait sens, même
s’ils ne possèdent pas la signification. Ils sont ouverts à ce
qu’ils voient. Il y a du désir. L’imaginaire et le symbolique
semble circuler dans le collectif.
Étude 1
Une lueur bleue vient de traverser à plusieurs
reprises l’écran. Je pense que c’est le sol ciel et la lueur
blanc resté le Il y a une bouche d’égout qui donne sur la
mer. Des personnes parlent en marchant sur le port. Je ne sais plus ce qu’est
la chose que j’appelais « égout ».
Étude 1
La mer, les bateaux, les poissons, le ciel, le
village, la cloche, les voitures, la pluie, les hélicoptères, des
avions, les oiseaux, une usine, des piétons, un enfant qui tousse, des
portes qui se ferment et qui s’ouvrent, une église, des tambours,
des flaques d’eau.
La cloche me fait penser à la messe.
J’ai l’impression qu’un livre s’ouvre. Un aéroport,
une personne qui rit, quelqu’un qui prend une photo, des personnes qui
marchent, une personne qui a mal, une fenêtre, la pluie, un avion, quelqu’un
qui regarde une église de l’intérieur.
Étude 1
je croirai que c’est une salle l’inconnu
se recula il voit une fenêtre briller de plus en plus on voit toute la
fenêtre, l’inconnu était époustouflé, dans une
espèce d’eau quatre grosses bulles disparaissent, et revenir tout
un rassemblement et les coups disparaissent l’inconnu se retrouve avec
un ami l’ami lui sert a manger.
« Comment tout ce qui nous
arrive devient une forme »
« …un des problèmes
les plus intéressants dans l’œuvre de Pascal Convert :
comment dans une œuvre d’art, ne pas s’épancher, ne
pas raconter sa vie, ne pas faire toute une histoire avec ses affects, mais comment
non plus ne pas croire être complètement détaché de
tout…[…] comment produire une forme qui ait une intensité mais
que cette intensité soit impersonnelle…
Voilà ! Tout l’enjeu de ça c’est d’essayer
de voir comment se construit une œuvre intense : en tant qu’elle
est intense, elle nous concerne, donc elle est fatalement anthropomorphe, elle
parle du sujet, elle parle de notre histoire, de l’existence, de tout ce
que vous voudrez ! mais elle est complètement impersonnelle. Voilà,
c’est ça qui m’intéresse.
Ici, on touche à des problèmes, des grands enjeux, à mon
avis, de la critique d’art, de l’esthétique aujourd’hui.
C’est-à-dire comment échapper au dilemme de l’épanchement
affectif d’un côté, qui souvent ne parle que de celui qui
regarde et pas du tout de l’œuvre, — et il faut respecter l’œuvre,
et comment dans un autre sens, toucher a ce qui a été nommé par
des phénoménologues comme Erwin Strauss autrefois, ou même
en France comme Henry Maldiney, la dimension pathique : pathique, pathos
mais le pathos non pathétique, le pathos des Grecs. Pathos, ça
veut dire subir : le pathos dont parle Euripide quand il dit : nous
devons apprendre par l’épreuve, pathei mathos. C’est çà l’enjeu :
revenir à une sorte d’esthétique de l’empathie mais
qui ne soit pas une empathie psychologique qui ne soit pas une empathie des souvenirs
d’enfance ! de tout ce qui m’arrive ! dans ma vie !
mes histoires d’amour ! … ce qui compte, c’est comment
tout ce qui nous arrive devient une forme. »
Georges Didi-Huberman, philosophe, historien de l’art,
interviewé par Alain Veinstein, dans l’émission de France-Culture, Du
jour au lendemain, en 1999, à l’occasion de la publication
de son petit livre consacré à l’œuvre de Pascal Convert, La
Demeure, la souche, chez Minuit.
La lecture des propos de Georges Didi-Huberman laisse apparaître, met en évidence,
il me semble, l’intensité des écrits des élèves,
cités en extrait, plus avant.
Le travail, tel qu’il s’est déroulé pendant les six
séances de l’atelier, a gardé, on pourrait dire, une certaine
distance avec l’expression des affects et des goûts (même lors
du travail à partir de « rendre visible un rêve »)
qui n’ont pas été invités à s’exposer
directement (l’atelier n’est pas orienté vers la « réception » émotionnelle
des images), ni sollicités par des adresses aux élèves comme : « Avez-vous
aimez ? » « Qu’est-ce qui vous a plu ? »
Il n’empêche que les enfants sont très « présents » dans
ces textes écrits pendant les vidéoprojections. Devant des images
qui affirmaient une certaine différence avec celles qui leur sont plus
familières, ils ont accepté, sans rechigner, l’effort qu’elles
leur demandait. Ils n’ont pas caché leur étonnement ni cet
effort même, mais ils ne les ont pas rejetées.
Et donc, j’ai l’impression que dans ces écrits (il faudrait
lire l’ensemble) ce qui est arrivé aux élèves
pendant les vidéoprojections a pris forme. Sans le vouloir,
un exercice banal d’écriture, a peut-être permis d’effleurer,
de toucher, quelque chose qui aurait avoir avec l’art, quand on accepte
la proposition de Georges Didi-Huberman, de l’envisager, du côté d’un « pathos
non pathétique », débarrassé de tout psychologisme.
C’est à la fin de la sixième séance, après
avoir visionné Notes on the Circus de Jonas Mekas que la question
du goût est arrivée, de manière inattendue. Lorsqu’un élève
a fait remarquer que tout de même, il préférait le cirque
tel qu’il le voyait à la télévision. Alors, Jean-Charles,
le maître, sortant de sa réserve habituelle, a affirmé haut
et clair, qu’il considérait ce film comme un des plus beaux qu’il
avait pu voir sur le cirque. La classe tout entière est restée étonnée,
pensive. Cela n’a déclenché aucune effervescence, à grands
renforts de « d’accord !» « pas d’accord ! »,
même si la discussion fut vive et alerte. Ils respectaient le jugement
de goût de leur maître, lui reconnaissant son caractère absolument
intime, même s’ils ne semblaient pas le comprendre. Ils étaient
prêts pour un travail sur le goût et le jugement. L’atelier était
terminé.
Pour consulter les travaux des élèves : Devant
l'image 1; Devant
l'image 2
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