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Sens/Faire sens/Signification/Signifiance
(En travail depuis le 24.11.2009. dernière mise à jour : 4.5.2012)
Le mouvement qui va construire cette page trouve son point
de départ dans un texte figurant déjà sur
le site : Le
sens du précaire, position de thèse
de Pierre-Johann
LAFFITTE [!].
Sur la même voie (celle du vécu, proche
de la phénoménologie),
on retrouve Jean OURY et l'une de ses 'mises
en garde' favorites : « le sens, Sinn, pas Bedeutung,
pas la signification ».
Mais en faisant usage du couple Sinn/Bedeutung,
il nous force à ouvrir
davantage la question…
Dans
les prises de notes (novembre 2009) que je consacre à son séminaire
de Sainte-Anne, j'ai amorcé le travail, en faisant référence
au texte de Gotlob FREGE, « Über
Sinn und Bedeutung ».
C'est alors que je décide d'en faire un chantier dans la rubrique À TABLE.
1 Pierre
Johann Laffitte, « Le
sens du précaire », position
de thèse (2003)
Pour lire l'extrait dans son contexte : [Ouvrez !]
« Mais comment peut-il y avoir participation volontaire
des individus à une praxis, adhésion à une
doxa qui ne soit pas pure aliénation à un discours
mort ou stérile ? Aujourd’hui où l’on
observe un tel rejet de l’école de la part des écoliers,
l’adhésion à la vie de la classe ne peut
plus être une pure obéissance à « la
règle » de « l’école-caserne ».
Comment des enfants peuvent arriver en classe et se dire
: « Je suis content d’être là, je
sais ce que je fais là » ? C’est là qu’entre
en jeu dans un tel investissement la dimension du désir
(au sens lacanien) — Du point de vue de la praxis,
comment faire retrouver aux enfants ce désir de grandir
et d’apprendre ? Du point de vue de l’analyse,
comment prendre en compte cette dimension dans l’analyse
de la pertinence d’un discours ? C’est là la
question du sens proprement dite. Il faut entendre « sens » comme
dans l’expression : « ça
fait du sens »,
et non comme dans l’expression « voici le sens
d’un mot ». Dans
le premier cas, on a un vécu de sens.
Dans le second cas, on a une définition,
une signification — que cette dernière soit
celle du dictionnaire, générale, ou bien contextuelle.
Je range donc sous ce terme de « signification » ce
que l’on désigne généralement,
dans une approche purement linguistique, sous les termes
de « signification » ou de « sens ».
Je garde « sens » pour le phénomène
qui relève du vécu du sujet, qui déborde
largement du seul cadre des Sciences du langage, et qui est
en élaboration permanente. À ces deux termes,
suivant en cela Joëlle Réthoré, il faut
en adjoindre un troisième, qui marque le développement
ultime du sens pour un sujet ou un groupe, et que l’on
appellera « signifiance ».
En effet, le sens ne rejette pas la signification, mais la
fait entrer dans un mouvement. J’entends par « mouvement » ce
qui va actualiser, pour un ou plusieurs individus, cette
association d’une convention signifiante à un
donné (objet, situation...). Actualiser, c’est
rendre possible à un individu l’utilisation
et la maîtrise de cet outil qu’est la signification,
en ancrant cette dernière dans une pratique. Le sens
se négocie constamment, et plus ou moins bien. Notre être-là fait
plus ou moins de sens, et ce sens n’est pas la simple
apposition d’une signification à un datum. Fondamentalement,
le sens est une mise en relation vécue entre 1. une
matière donnée dans une situation donnée,
2. un sujet impliqué et 3. la représentation
(discours, image…) que le sujet se fait de sa participation à la
situation. Le sens n’est pas une chose simple, pas
même une chose symbolique (un signe), mais un phénomène
complexe qui peut se résumer ainsi : « quelque
chose fait sens pour quelqu’un ». On peut ensuite
interroger la procédure d’un tel phénomène,
mais il y a là une dimension irréductible à une
analyse purement linguistique. Si le sens a sa « logique » propre
(Deleuze), je décide pour ma part d’entendre
dans « logique » avant tout la présence
du logos, et par-delà, celle de la loi, que je rattache
anthropologiquement à la dimension du symbolique. »
2 Érik
Porge, « Nommer
quoi ? À propos
de la nomination de la passe », Essaim, n°11, 2003/1, « formation
des analystes ».
http://www.cairn.info/revue-essaim-2003-1-page-39.htm
« Plusieurs
traductions ont été proposées
pour le couple Sinn/Bedeutung : sens/dénotation,
connotation/dénotation, compréhension/extension,
sens/référence, sens/signification. Carnap
fait équivaloir le Sinn à l’intension
et la propriété et la Bedeutung à l’extension,
le « nominatum », la classe.
De quoi s’agit-il
dans cet article de Frege ? De vérifier
ce dont on parle dans la relation d’égalité « a
= b ». S’agit-il d’une identité entre
les choses ou entre les signes de ces choses ?
Remarquons que cette question implique et tire la conséquence
de ce que le nom diffère de la chose et ne soit pas
défini par son lien à celle-ci. Cet écart
en ouvre tout de suite un autre : deux noms, ou plus, peuvent
différer et se rapporter à la même chose,
et pas à deux, ou plus, choses différentes.
Mais si une infinité de noms se rapportent à la
même chose, comment saisir la définition de
celle-ci sinon asymptotiquement ? »
3 Philippe
Lucas, « Sens
et signification selon Husserl », Études
phénoménologiques, 1993, vol. 9, n°17,
p.71-92.
« il s’agira […], d’une façon
encore préliminaire et très schématique,
de situer et d’interroger le rejet
par Husserl
[!],
au § 15
de la première Recherche logique,
de cette distinction
proposée par Frege [!] .
De fait, les quelques lignes justifiant cette décision pourront
sembler révélatrices
de quelques-unes des difficultés les plus vives et
les plus stimulantes de cette fondation phénoménologique
du logique dans laquelle Husserl voyait un premier pas vers
l’établissement définitif des fondements
de la philosophie »
J'ai commencé la lecture
de cet article.
À suivre… en prenant le risque de m'éloigner
très fort du Sinn de Jean OURY et Pierre
Johan LAFFITTE… pour (j'espère) mieux y revenir
(a.b. 26.11.09)
4 Claude
Rabant, Inventer le réel, Denoël, 1992, p. 63-67, Chapitre 4. Contructions dans (de) l'analyse.
Voici un texte charnière qui va nous aider à comprendre le leitmotiv de Jean Oury ("Le sens, Sinn — pas la Bedeutung). En fait, il faut retrourner à Freud. On va voir l'intrication entre le sens (Sinn), du côté du désir (Wunsch) et la signification (Bedeutung), du côté de l'interprétation (Deutung).
Une fois qu'on a compris, c'est à la fois, logique et simple même si c'est complexe ! Pour ma part, ce qui m'a aidé c'est à comprendre, en premier lieu, que le mot 'sens' s'oppose au mot 'absurde'.
(a.b. 25.3.2010)
« Dans l'ouvrage fondateur de la méthode freudienne, L'Interprétation des rêves, l'interprétation se trouve liée à la signification, d'autant plus fortement qu'en allemand les deux termes peuvent jouer de leur rebondissement : de Deutung, l'interprétation, à Bedeutung, la signification. La signification est alors essentiellement conçue comme l'indication d'un sens caché (verborgener Sinn), d'un sens à découvrir par l'interprétation. […]
“Le rêve n'est pas comparable à la résonnance irrégulière d'un instrument de musique touché, non par la main du joueur, mais par le choc d'une force extérieure, il n'est pas dépourvu de sens (sinnlos, il n'est pas absurde, il ne suppose pas qu'une part de notre trésor de représentation sommeille pendant qu'une autre s'éveille. Il est un phénomène psychique pleinement valide, à savoir un accomplissement de désir ; il doit être rangé dans la continuité des actions psychiques à nous-mêmes intelligibles de la veille ; c'est une activité mentale hautement compliquée qui l'a édifié.”
La méthode scientifique élaborée par Freud, effectivement conforme à l'idée de l'étude rationnelle d'un système […], implique par conséquent, d'une part la possibilité de substituer l'un à l'autre et dans les deux sens deux niveaux de discours (le contenu manifeste et le contenu latent), et d'autre part l'affirmation d'une réversibilité des temps entre la formation du rêve et son interprétation, et donc d'une réciprocité des activités psychiques de l'une et de l'autre. C'est parce que l'interprétation parcourt exactement mais en sens inverse la formation du rêve que la méthode peut être dite scientifique. C'est en raison de cette réversibilité et de cette réciprocité des actions psychiques que l'intelligibilité du système peut être affirmée.
Par la suite, on devra en conclure que la signification obtenue par la voie de l'interprétation coïncide effectivement avec le sens des pensées qui ont suscité le rêve. Au terme, Sinn et Bedeutung coïncident dans l'énoncé des pensées perdues et retrouvées du Wunsch. On remarquera qu'une telle méthode suppose au moins deux choses : d'une part une foi dans la rationalité des processus intellectuels en général — dans la validité intrinsèque “des actions psychiques à nous-mêmes intelligibles” et dans la capacité que nous avons de les percevoir comme telles ; d'autre part l'affirmation implique que la signification peut trouver sa plénitude dans un sens (le sens du désir). La Wunscherfüllung est à ce prix. L'accomplissement de désir est lui-même l'accomplissement de la signification dans un sens — l'accomplissement de l'interprétation dans la retrouvaille du sens caché. De ce point de vue, l'interprétation est l'accomplissement de désir.
Ce double présupposé — rationalité des faits psychiques en général et nature du fait sémantique — est porté chez Freud par ce qu'on peut appeler l'hypothèse du continu : la connexion continue des processus psychiques entre eux, désignée par le terme de Zusammenhang. C'est parce qu'il y a Zusammenhang — connexion continue — que l'on peut à la fois assurer l'intelligibilité de tous les processus psychiques et affirmer que la recherche de la signification s'accomplit dans la découverte d'un sens — relevant lui-même d'un énoncé bien formé. Deutung, Sinn et Bedeutung — interprétation, sens et signification — sont intriqués dans la texture d'un même Zusammenhang. (p. 63-67)
5 Jean Oury, Le Collectif. Le séminaire de Sainte-Anne (1984-85), Champ social éditions, 2005.
« Je pense à cette notion de passage pour plusieurs raisons.
Il y a environ un mois, j'ai passé un après-midi avec Tosquelles. Nous avons parlé trois heures. Il privilégie beaucoup la notion de passage. Il a toujours privilégié ça. Par exemple, dans un petit article de 1960, sur la “sémiologie des groupes”. Le passage d'un groupe à l'autre : souvent, on joue dans un autre groupe ce qui s'est déclenché dans le premier (acting out et passage à l'acte). Cette notion de passage, on la retrouve également dans l'élaboration et la théorie des quatre discours de Lacan.
En effet, ce qui est en question, ce n'est pas chaque discours, mais le passage d'un discours à l'autre. C'est l'émergence du discours psychanalytique : discours ouvert qui permet le passage aux autres discours. Sinon il y a une sorte de stase de chaque discours.
Cette notion de passage, on la retrouve à propos du “sens”. Le sens, c'est le phénomène de passage d'un discours à l'autre (par opposition à la signification). Ce passage d'un discours à l'autre, c'est quelque chose qui privilégie une dialectique des demandes. » (19 septembre 1984, p. 17)
« Peut-on dire — en restant à un niveau très lointain — que pour qu'il y ait du sens, il faut qu'il y ait une sorte de mouvement, de passage. “Passage” d'un système, d'un lieu, à un autre. Dans les quatre discours, le sens, c'est le passage d'un discours à l'autre. Mais ça ne se conçoit pas si on reste dans un seul discours. D'ailleurs, ce n'est pas possible. Il n'y aurait pas de sens. Le sens, ce n'est pas la signification. Le schizophrène ne confond pas signification et sens. Un empiriste absolu confond les deux, en général, à moins d'être un logicien extraordinaire, Frege et compagnie. Mais le schizophrène ne peut pas passer d'un discours à l'autre. On sait bien, par exemple, qu'on définissait les structures psychotiques comme étant des structures figées, comme s'il y avait une stase, une stase dialectique à un certain niveau. Exemple : la catatonie. Le sens réapparait quand il y a mouvement, c'est-à-dire d'un état à l'autre, changement de phase, pour reprendre une expression de physique. » (17 octobre 1984, p. 46)
« Le discours, au sens employé par Lacan, spécifie le fait que l'animal humain parle : ce n'est pas simplement qu'il émet des sons, ou qu'il pense, c'est qu'il est tissé de paroles, du fait qu'il est surdéterminé par le registre symbolique, le grand Autre. Il est donc évident que les faits d'expérience, les faits de la vie quotidienne, sont tissés de discours. Comme disait Lacan — je répète toujours la même chose ! — “Il n'y a de faits que de discours.” Parce que les faits, ce ne sont pas des choses, ce ne sont pas des éléments qu'on peut toucher. C'est à ce niveau structural, c'es-à-dire celui des faits de discours, qu'il y a une possibilité de modifier quelque chose ; jusqu'à pouvoir produire ce qui va être le “déclencheur”, en fin de compte, d'une structure. Et le déclencheur d'une structure, d'après la formule canonique du discours du maître, c'est S1. J'ai déjà insisté là-dessus. Tout ce que je disais ce soir, c'était en référence avec cette élaboration de l'agencement des discours.
Il est évident, dans le contexte dans lequel on se trouve, que notre travail est d'essayer de remettre les “insensés” dans le sens. Et c'est là qu'il faut être clair : les “remettre dans le sens”, c'est leur permettre de faire des détours sans qu'ils puissent s'égarer. […] Le sens, c'est le détour, et la signification, c'est la ligne directe. C'est une autre façon de dire que la signification, c'est bien cerclé, bien défini, bien délimité, alors que le sens, ça n'en finit jamais. En reprenant les élaborations de Frege, on pourrait dire que le Collectif, c'est l'agent de l'oblique. S'il n'y a pas de détours, il n'y a pas moyen de retrouver le sens. » (p. 155-156)
« Il y a quelques années j'avais dit […], que la qualité même de l'ambiance, c'est quelque chose de l'ordre d'une “couleur”. Couleur, au sens de sentiments les plus proches de ce qu'on vit : les sentiments pathiques. Si on ne dispose que d'une seule couleur, on n'arrive pas à grand-chose, dans le traitement d'un malade dissocié. Par contre, si on arrive qu'il puisse s'investir dans plusieurs lieux — par exemple un petit peu à l'imprimerie, un peu au secrétariat du club, un peu à la bibiothèque, à un autre moment à la cuisine — on s'aperçoit que tout un système se met en place, se délimite, et il y a une possibilité d'articuler et de dynamiser son existence d'une façon bien plus facile que s'il restait toujours au même endroit. Pour mieux cerner ce qui est en question, il faut prendre en compte, non le sujet de la psychologie traditionnelle dans l'opposition “sujet-objet”, mais le sujet de l'inconscient, au sens de Lacan. C'est pourquoi j'avais repris cette formule :
S1 —> S2
$ a
(“un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant”), en soulignant que chez le schizophrène, cette articulation est perturbée : l'objet a est éclaté, dissocié, la place de S1 est brouillée. Pour maintenir un certain niveau de réalité dans son existence, il me semble important de disposer d'un plus grand nombre de “signifiants”. D'où l'importance d'une matrice logique de ”distinctivité”, d'une tablature de signifiants. Par exemple, à la cuisine, il y a une dimension pathique qui n'est pas la même qu'à la bibiothèque; ça ne veut pas dire qu'il y a un “signifiant cuisine” ! Mais pour qu'il puisse y avoir une “distinctivité” ressentie “pathiquement” d'un lieu à un autre, il faut bien qu'il y ait une table logique de “distinctivité”, une combinatoire de signifiants. On peut reprendre également, pour mieux saisir ce dont il s'agit, la corrélation entre le plan “empirique” et le plan “transcendantal”. Le climat, l'atmosphère, l'ambiance — on peut dire le pathique — ou la couleur de tel lieu, appartiennent au plan empirique ; c'est ce qui est “ressenti”. Par contre, pour se spécifier, il faut que ça puisse être connoté sur un autre plan, le plan des signifiants. Par exemple, pour en revenir au sujet “déraillé”, on constate, sur le plan empirique, que ça marche mieux quand il s'investit, même partiellement, dans différents lieux. Ça met en question un certain nombre de signifiants. Tout ceci peut se jouer aussi dans le domaine imaginaire, au niveau des relations entre le personnel et les pensionnaires : ces relations sont “indexées” par des lieux, de façon plus ou moins implicite. Le registre transcendantal est un registre d'inscription. Or, au niveau du Collectif, la fonction diacritique a pour but de créer une différenciation, un diversité de signifiants. Et ces signifiants déterminent, mais d'une façon indirecte, oblique, la diversité des “lieux”.
Mais quelle est l'articulation entre les signifiants et le plan empirique ? Par “décision” — dont il faudra déterminer le statut épistémologique — il y aura ou non une organisation concrète, qui ait un sens. Ce qui exige un fonction inchoative, un démarrage de différenciation structurelle : ce que Lacan situe comme “S1”. Quand quelque chose s'articule sur le plan empirique, S1 est en cause. Mais ce renouvellement possible de structure nécessite la “production” de S1. […] Mais il faut faire très attention à ne pas concrétiser le S1. […]
Poser une question, prendre une décision, tout ça tourne autour de quelque chose qui est de l'ordre d'un certain désir, d'un désir qui s'exprime dans un discours. Et qu'est-ce qui fait qu'un désir puisse s'exprimer dans un discours ? Pour exprimer quelque chose, ça ne peut se faire que dans une dimension de transfert. […] Le transfert comme la possibilité d'émergence d'un désir, mais sous forme d'un dire qui va pouvoir s'exprimer dans un discours. […] pris dans un discours où il y a quelque chose de l'ordre de l'interprétation. […]
Le S1 permet le démarrage. C'est en rapport direct avec le maintien du sens. Prenons un exemple, dans un autre registre : un schizophrène, quand il allait voir son médecin, qu'il avait “désigné” comme étant son psychothérapeute (lequel n'avait nullement l'impression de faire une psychothérapie de schizophrénie), restait environ dix minutes pour échanger quelques banalités, et quelquefois, poser des questions bizarres. Une fois, le médecin, peut-être fatigué, lui dit : “Bon, on se reverra dans quatre jours”. À quoi le malade répond : “Pas question, il me faut mes dix minutes, parce qu'avec dix minutes, le sens tient pendant quatre jours ; au bout de huit jours, c'est foutu ! Il me faut mes dix minutes tous les quatre jours ; ça me permet d'aller aux repas avec les autres, d'aller faire des activités…” Sinon, réapparaissaient les hallucinations, il devenait très agressif, posant des problèmes difficiles. C'est vrai qu'il suffisait de dix minutes pour que le sens tienne quatre jours. Que venait-il chercher ? Bien sûr qu'il était toujours “déraillé”, mais pour pouvoir subsister dans une certaine convivialité, il lui fallait une “dose” de sens. Mais ça ne se donne pas comme ça, le sens. Ce qu'il venait chercher, c'est du S1. […] Or le sens c'est ce qui permet de vivre. […]
Pour produire du S1, il faut tenir compte du matériau auquel on a affaire. Et quel est ce matériau ? C'est l'objet a. C'est-à-dire qu'on travaille dans un champ particulier, psychiatrique, psychothérapique, qui est un champ de transfert. Le transfert, c'est ce qui tient compte du désir, de l'équation fantasmatique de chacun. C'est ça qui doit être en question au niveau du Collectif. Qu'est-ce que le transfert ? Sur le plan de la stricte analyse, le transfert, c'est le désir, le désir de l'analyste. Alors qu'en est-il du désir ? » (20 février 1985, p. 123-127)
6 Mireille Andres, « Sens », in Pierre Kaufmann, L'apport freudien. Éléments pour une encyclopédie de la psychanalyse), Larousse-Bordas, 1998, p. 515. L'ouvrage semble épuisé.
« L'émergence du sens s'accomplit dans le cadre des besoins : les impératifs corporels du sujet, telle la faim, par exemple, prennent valeur de signes pour l'Autre maternel qui les convertit immédiatement en réponse. En fait, ces expériences de satisfaction n'ont aucun caractère pragmatique pour le sujet qui les vit, mais dans la mesure où elles sont entendues par autrui, le sujet va baigner d'emblée dans un espace de communication dans lequel ses cris prennent sens pour l'Autre. Dès lors, il sera lié au désir de l'Autre puisque celui-ci lui renvoie ses propres signifiants. Aux réponses de l'Autre, le sujet réagit par une satisfaction, laquelle prend également valeur pour l'Autre. Ce mouvement induit un au-delà de la simple satisfaction du besoin, au-delà mettant le sujet en position de désirer »
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