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En attendant, imaginant,
un nouvel atelier qui débuterait par une autre note
de Robert Bresson :
«Que
tes fonds (boulevard, places, jardins publics, métropolitain)
n'absorbent pas les visages que tu y appliques»
Notes sur le cinématographe, Gallimard, 1975.
Paris, le 4 avril 2003
Lettre aux élèves
de la classe de Jean-Charles [document
(1) (2)]
Bonjour les enfants !
J’ai un peu
tardé à vous envoyer cette lettre, mais je
tenais à vous dire combien j’ai eu du plaisir
à travailler avec vous. Et le travail a été
vraiment partagé : vous avez beaucoup travaillé.
Pour ma part, je suis venue avec des documents qui vous
ont permis de réagir, de réfléchir
sur l’image et sur l’écriture :
le ciel étoilé de l’espace, les hiéroglyphes
égyptiens, les idéogrammes chinois, la calligraphie
arabe sur pierre, etc.
Et vous avez trouvé les mots qui ont permis de tirer
un fil : visible, espace, intervalle, lettre, fond,
support, écran, image, présenter, représenter,
remplacer … etc., …
Nous avons donc travaillé à partir de ce que
nous avions devant les yeux, de ce qui est visible : d’abord
les documents que je vous avais donnés, ensuite vos
rêves dessinés sur une feuille, comme support.
Nous avons pu ainsi nous rendre compte que l’image
ce n’est pas seulement les objets, ou les choses représentées
ou reproduites sur un support, dessinées ou photographiées,
mais aussi les espaces, les intervalles entre les choses.
Il faut être attentif au deux. Ce n’est pas
parce qu’il n’y a «rien», pas de
chose dessinée ou photographiée, que c’est
vide, que ça ne compte pas. Et nous avons pu constater
aussi qu’un même dessin peu dire des tas de
choses différentes en fonction de celui ou celle
qui l’observe et qui l’interprète.
Surtout lorsque nous avons travaillé sur vos rêves
rendus visibles par vos dessins, nous avons pu faire la
différence entre «représenter»
au sens de reproduire, figurer, dessiner et «représenter»
au sens de «remplacer», «venir à
la place de». Et que lorsqu’une chose représente,
vient à la place d’une autre, cela n’est
pas forcément ressemblant.
Et puis nous avons finalement travaillé à
partir d’images mouvantes projetées sur un
écran. Je vous ai montré trois films vidéo.
Ils pouvaient vous étonner car ce n’est pas
le genre de films que l’on peut voir à la télé
ni même au cinéma. Cela voudrait-il dire que
«la maison du cinéma» est plus grande
qu’on ne le croit en général ?
Qu’en pensez-vous ?
Comme Jean-Charles l’a remarqué, vous avez
regardé ces films avec beaucoup d’attention
et dans un grand silence, ce qui n’aurait pas été
forcément le cas si vous les aviez regardés
chez vous sur la télé, par exemple. Vous saviez
que nous étions en train de travailler, de réfléchir,
d’apprendre des choses d’une manière
un peu particulière comme l’a souligné
également votre maître. Vous aviez aussi la
liberté d’écrire ou de dessiner ce que
vous vouliez. Comme souvent quand on réfléchit,
qu’on s’intéresse à quelque chose,
nous avons travaillé avec un certain plaisir. Qu’en
dites-vous ?
Vous avez remarqué que dans le premier film (celui
que j’ai fait), on n’était jamais sûr
de ce que l’on voyait : par moments, on ne pouvait,
dire, désigner, nommer ce qui avait été
filmé, ce qui était devant nos yeux de spectateurs
: cela dépendait de la façon dont cela avait
été filmé, et comme dans certaines
images cela changeait tout le temps, on avait un peu l’impression
d’être trompé. Certains d’entre
vous ont pensé à l’illusion optique
et aux anamorphoses, tout en faisant remarquer que ce n’était
pas exactement la même chose car cela ne dépendait
pas de notre «place» par rapport à l’écran
mais de ce qu’on voyait ou ne voyait pas dans l’image
filmée.
Vous avez remarqué aussi que dans ce film, «ça
ne se suit pas», on «change de décor»
et on n’y revient pas. C’est ce qui fait la
différence avec, par exemple, un film de Louis de
Funès.
A la séance suivante, la dernière, vous avez
comparé ce film avec d’autres images et
sons : ceux du film où l’artiste,
Claudio Parmiggiani «construit» sa sculpture
dans une salle d’un musée d’art contemporain,
en cassant, à grand bruit !, un immense labyrinthe
de verre ; et le film très accéléré
sur le cirque.
Vous avez constaté que dans un film, même si
« ça ne se suit pas », cela
peut avoir un sens. Simplement, nous n’avons pas toujours
la clé pour deviner l’ordre (qui n’est
pas forcément chronologique) choisi par celui qui
a assemblé les images, construit le film. (C’était
un peu la même chose lorsque nous avons travaillé
sur vos rêves).
Vous avez découvert des tas d’autres choses
(comme, par exemple, que c’est par hasard que l’on
peut faire une image qui nous satisfait ou bien trouver
comment assembler plusieurs images ; que ce n’est
pas forcément «prémédité»,
mais que c’est en faisant qu’on trouve).
Je voulais, dans cette lettre, relever ce qui avait été
le plus important. Des réflexions qui vous reviendront
peut-être en mémoire quand vous verrez des
films, des images, au cinéma ou sur votre télévision
familiale. Alors, je souhaite que l’année se
poursuive bien pour vous tous. Que vous fassiez avec Jean-Charles,
encore plein de découvertes.
Mais tout d’abord : bonnes vacances !
Annick
s